Il n'y a pas eu de blessés

Alors que les ZAD se multiplient, leur répression elle aussi s’intensifie. Nous avons reçu cette tribune depuis la ZAD d’Arlon en Belgique. Signée par de nombreux écrivains et intellectuels, il semblerait qu’aucun de nos confrères de la presse officielle Belge n’ait jugé opportun de la publier. La voici.

Nous avons écrit le texte qui suit le jour même de l’expulsion de la ZAD d’Arlon, Province du Luxembourg, Belgique, c’est-à-dire 31 hectares de forêt destinés à devenir un zoning industriel. À l’heure de sa publication, nous sommes confrontés à la nouvelle que presque jour pour jour une semaine plus tard, la gendarmerie française a procédé à l’expulsion de la ZAD du Carnet, en l’occurrence 110 hectares de zone naturelle, abritant 116 espèces protégées, dans l’estuaire de la Loire, zone livrée à un projet de construction d’entreprises maritimes. Le constat est le même : le pouvoir néolibéral veut vouer toute perspective de vie collective insubordonnée à la destruction et ne témoigne que d’un mépris obtus à l’égard de la santé terrestre. Le corollaire aussi est le même : désobéir afin de défendre le vivant avec d’autant plus de détermination.

Un matin avant le printemps, cent-cinquante hommes casqués en uniforme appuyés par des engins lourds ont pénétré une forêt. Ils ont arrêté neuf personnes qui y occupaient des cabanes, habitaient la forêt depuis plusieurs saisons, tentant de protéger une parcelle de terre promise à la destruction. Le potentat local se félicite vis-à-vis de son monde en déclarant qu’heureusement il n’y a pas eu de blessés lors de l’opération.

Conformément aux vœux pieux de la gestionnaire de l’intérieur de la nation, la situation sur le terrain ne va donc plus se gangrener. Le terrain : une ancienne sablière coincée entre le faubourg d’une ville provinciale, une route, une autoroute et l’immeuble où siège l’entreprise qui table sur le profit qu’engendre la prolifération du béton. Terrain humide, argileux, paisible, où la vitalité sauvage renaissait sans cesse par le biais du vol des papillons, dans l’écorce des sapins, à travers la liberté des oiseaux.

Terrain menacé, fragile, convoité par la logique imbattable qui cause, entretient, justifie et nie les plaies muettes et les maladies durables infligées à l’avenir des terres, des paysages et des multiplicités du vivant qui nonobstant y survivent. Terrain défendu par les voix solidaires de plus de cent-cinquante personnes soucieuses de la santé…

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Auteur: lundimatin