Il reste encore tant d’espèces à découvrir : l’exemple des grenouilles de Madagascar

À l’image de l’Australie, la faune et flore de Madagascar se sont diversifiées en vase clos sur une île-continent pendant des dizaines de millions d’années. Évoluant dans des écosystèmes allant des forêts pluviales d’altitude aux savanes subdésertiques du Grand Sud, la biodiversité y est si foisonnante que son inventaire en espèces s’accroit chaque année sans jamais ralentir. Faisant suite à de multiples expéditions à la recherche de nouvelles espèces de grenouilles, nos résultats viennent d’être publiés dans la revue scientifique Salamandra et ce ne sont pas moins de six espèces que nous avons découvertes.

Le nombre d’espèces d’amphibiens décrites à Madagascar ne cesse d’augmenter.
Aurélien Miralles, Fourni par l’auteur

À titre d’exemple, près de la moitié des 400 espèces d’amphibiens endémiques de l’île ont été décrites après les années 2000.

L’utilisation de nouvelles méthodes pour identifier des organismes inconnus contribue à accélérer le rythme des découvertes, comme en témoigne cette étude mettant en évidence l’existence de 20 nouvelles espèces de grenouilles également découvertes à Madagascar l’an dernier.

Des expéditions du nord au sud de l’île

Cette année, notre réseau de chercheurs européens et malgaches, s’est penché sur le cas d’un genre de grenouilles forestières : Gephyromantis.

Grâce à des travaux préliminaires de séquençage de l’ADN, nous suspections en effet l’existence d’une importante biodiversité cryptique, c’est-à-dire cachée car non visible à l’œil nu. En pareil cas, reconnaître le caractère distinctif d’une espèce nouvelle n’est pas toujours évident. Le travail de recherche des taxonomistes va alors viser à déterminer si nous avons affaire à plusieurs espèces distinctes (c’est-à-dire des lignées évolutives divergentes qui ne se reproduisent plus entre elles), ou si au contraire il s’agit d’une seule et même espèce composée de plusieurs lignées encore capables de se mélanger les unes aux autres, à l’image par exemple des différentes races de chiens.

Les climats, reliefs et écosystèmes de Madagascar, diversifiés à l’extrême, ainsi que son isolement remontant à l’ère des dinosaures, sont la source de son exceptionnelle biodiversité. (Photos).
Aurélien Miralles, Fourni par l’auteur

À cette fin, notre équipe a effectué de nouvelles collectes de terrain du nord au sud de l’île, et réexaminé les spécimens de collection historiques hébergés dans divers grands muséums (Paris, Munich, d’Amsterdam).

Les données ainsi recueillies ont été analysées avec une approche dite intégrative, c’est-à-dire mobilisant et confrontant des jeux de données très différents les uns des autres, afin de s’assurer que tous s’accordent globalement sur les hypothèses d’espèces formulées.

Combiner les analyses pour révéler 6 nouvelles espèces

Dans un premier temps, nous avons analysé des données moléculaires (issues du séquençage de l’ADN), afin de mettre en évidence de possibles flux de gènes entre populations distinctes (c’est-à-dire à dire des échanges de gènes indiquant qu’elles peuvent se reproduire entre elles).

Nous avons ensuite produit un jeu de données morphologiques (morphométrie), le but étant cette fois de mettre en évidence de subtiles différences entre espèces dans les proportions de certaines parties de leur corps. Celles-ci ne sont en effet pas toujours visibles à l’œil nu, et peuvent consister par exemple en des membres en moyenne plus longs de quelques millimètres chez une espèce, ou des yeux un peu plus petits chez une autre. En complément, nous avons également étudié des données bioacoustiques enregistrées de nuit au cœur de la forêt tropicale. Les différences quantifiables de chants entre individus de différentes populations (nombre de notes par chant, fréquences, etc.) peuvent en effet nous renseigner sur d’éventuelles « incompatibilités amoureuses », et ainsi conforter l’hypothèse d’espèces bien distinctes. Enfin, ces résultats ont été combinés afin de les interpréter dans leur ensemble et en tenant compte du contexte biogéographique (c’est-à-dire la répartition des…

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Auteur: Aurélien Miralles, Enseignant-chercheur en systématique animale à l’ISYEB (MNHN) et à l’Université Technique de Braunschweig., Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)