Parham Shahrjerdi est un écrivain iranien. Traducteur de Blanchot, Duras et du comité invisible en farsi, il est aussi responsable des éditions Nashr-e Paris et Namomken qui publient de nombreux e-books censurés en Iran. En écho au soulèvement iranien, il nous a transmis ce texte qui depuis l’épidémie de Covid-19 éclaire la situation de son pays et la répression qui y sévit.
A propos de la pandémie, il faut demander sous quel régime ce virus surgit-il ? C’est le même COVID, oui. Mais pour les Iraniens, c’est du déjà-vu. C’est la maladie, le virus des peuples invisibles. Sachez qu’on peut être confiné hors de chez soi, qu’il existe des confinés avant l’heure, des exilés qui ne rentrent jamais, des déplacés, des vies gâchées, des intellectuels et écrivains, femmes, militants morts étouffés. Il faut dire leurs noms : Mohammad Mokhtari, Mohammad-Ja’far Pouyandeh, Ahmad Miralaï, Daryoush Forouhar et Parvaneh Eskandari, Sadegh Hedayat, Reza Baraheni, Gholam-Hossein Sa’edi, Mohammad-Ali Jamalzadeh, Shayan Saïdpour, et aujourd’hui Mahsa Amini….
Bonjour,
Vous avez bien voulu me donner la parole. J’en suis reconnaissant.
Je dois vous confier ça : pour cette intervention j’ai écrit des pages et des pages. Et puis, je suis tombé malade. Quelque chose de vital était absent. J’avais parlé du COVID-19. Mais les pages étaient inertes. Rien ne bougeait, rien ne sortait, rien ne vivait. Il manquait quelque chose. L’essentiel. En fait, le COVID-19 n’était pas tout. Alors m’est revenu en mémoire cette phrase de Jean Racine : mon mal vient de plus loin. Pour en parler donc, il a fallu que je convoque le passé, plus ancien que le COVID, plus mortel qu’un virus.
En effet, est-il vraiment possible de parler du COVID-19 de la même façon partout dans le monde ?
Dans quel contexte, sous quel régime ce virus surgit-il ?
Je vais développer dans un instant. Avant de cela j’aimerais vous dire, cette parole que vous me donnez je veux la mettre au service de ceux que j’appelle les peuples invisibles, ceux qui ne sont jamais là, ceux qui ne sont plus là, ceux qui n’ont pas de droit de parole.
Je vais donc parler d’eux, ici, en français. Dans une langue qui leur est étrangère. Ici, en France. Dans un pays qui leur est étranger. Oui, parler de l’Iran c’est rendre présent cet ailleurs qui nous échappe. Donner la parole, donner la vie, à ce qui se tait et à ce qui s’efface.
Je posais donc la question un peu plus tôt : sous quel régime ce virus surgit-il ?
En Iran….
La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin