Il y a dix ans, mourait Hugo Chávez — Maurice LEMOINE

Caracas, tétanisée. Un hoquet a secoué les flancs des cerros qu’escaladent les ranchitos. Des collines, encore des collines. Puis le pays tout entier. Le peuple souverain. Des immeubles chics des quartiers les plus chics aux humbles masures des plus humbles pueblos.

On le savait très malade. On le savait. Depuis ce funeste 30 juin 2011. Jour où il a annoncé qu’il souffrait d’un cancer. On ne voulait pas y croire. Deux Notre Père, trois Ave María, une invocation à Bolivar et à José Martí, il s’en tirerait. Comme à l’accoutumée. Avec son grand rire de métis aux yeux en amande et aux cheveux crépus. Un mélange de Noir, de Blanc et d’Indien. Le parfait prototype du llanero – l’homme des immenses plaines d’herbe haute et abondante où serpentent les ríos.

Une tumeur agressive dans la région pelvienne – ou quelque chose comme ça.

Deux interventions chirurgicales à La Havane. La première dirigée par un médecin vénézuélien, la seconde par un russe. Enfin, c’est ce qu’on croit. Il y a eu pas mal de mystère. Et de rumeurs. Celui-ci provoquant celles-là. Et vice-versa. Mais l’apparence ne trompait pas. Ce fameux 30 juin 2011, on l’avait découvert les joues creuses, amaigri, fatigué. Les chimiothérapies l’ont rendu méconnaissable. Gonflé, bouffi, enflé, dilaté. Sans cheveux. Ne lui restait que son regard brun foncé, pétillant de malice et de volonté. De désespoir parfois, à l’idée de devoir d’interrompre sa tâche. La transformation du Venezuela. Et ce terrible Jeudi Saint d’avril 2012, après sa troisième opération, quand il a supplié : « Donne-moi ta couronne, Christ, donne-la-moi, que je saigne, donne-moi ta croix, donne-moi cent croix, mais donne-moi la vie ! »

C’est comme lorsqu’on traverse un torrent : on ignore si l’on parviendra à avancer, mais on ne peut retourner en arrière. On s’en sort comme on peut. Contre toute attente, à ce moment, il s’est arraché, il s’en est tiré.

Il a mené sa dernière campagne électorale avec les tripes, le cœur, la ténacité. Une énergie des catacombes. Il a sauté, il a chanté, il a dansé. On l’a entendu dire : « Je ne suis pas Chávez, je suis tout un peuple ! » Cette graine qu’il semait. Insubmersible, le 4 octobre, à Caracas, il a discouru sous des trombes d’eau. On n’avait jamais vu un tel déluge. La pluie les enveloppant de tourbillons et de rafales, les centaines de milliers de partisans vêtus de rouge l’acclamaient : « Uh ! Ah ! Chávez no se va ! » – « Ouh ! Ah ! Chávez ne…

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Auteur: Maurice LEMOINE Le grand soir