« Il y a tant de façons de ravir une personne à elle-même » (Vanessa Springora, Le Consentement)

À propos de : Vanessa Springora, Le Consentement, Paris, Grasset, 2020.

Le témoignage, lorsqu’il prend la forme d’un livre, peut rapidement révéler ses limites. Ce qui fait sa force — la vérité brutale de l’expérience vécue, la sincérité de l’implication du narrateur ou de la narratrice dans son récit, le sentiment d’empathie qu’il provoque — risque de le restreindre à une émotion puissance mais ponctuelle.

Or Le Consentement de Vanessa Springora n’a rien d’un ouvrage éphémère. Il a certes eu un effet immédiat puisqu’il a déclenché « le scandale Matzneff » (comment un écrivain dont la pédocriminalité était non seulement connue mais affichée dans ses livres, sans même se réclamer du voile de la fiction, a-t-il pu bénéficier d’une telle impunité et être soutenu par tout un milieu littéraire et politique au point de recevoir le prix Renaudot en 2013 ?) qui est loin d’être clos aujourd’hui[1].

Mais la grande force du livre de Springora est d’avoir pris comme sujet de son livre non pas « G.M. » comme elle le désigne (retournant la pratique de Matzneff qui la désignait dans ses œuvres par son prénom ou comme « Vanessa S. ») mais bien les violences sexuelles, leur mécanisme et les conditions de leur impunité, parmi lesquelles le consentement.

Tous les consentements qui gravitent autour de la relation entre la narratrice et « G.M. » sont décrits, analysés, questionnés : celui de l’adolescente de 14 ans, celui par omission du père, par lâcheté de la mère, celui d’un petit milieu littéraire complaisant, mais aussi celui des institutions, incarnées par les figures de policiers fort peu soupçonneux, de professeurs qui ne disent rien quand ils voient un homme de 49 ans venir chercher une enfant tous les jours à la porte de l’école, ou encore du médecin qui  au lieu de s’interroger sur les causes des maladies et blocages de sa patiente va d’un coup de « bistouri en inox » « aider l’homme qui se rend quotidiennement à [s]on chevet à jouir sans entrave de tous…

Auteur : redaction
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