« Ils nous parlent comme à des chiens » : le labeur éreintant des cueilleurs de muguet du 1er mai

Pénibilité, pressions de l’encadrement, faibles salaires : le labeur des ouvriers agricoles saisonniers du muguet est loin des clichés rayonnants et sympathiques associés à cette plante printanière censée symboliser la fête des travailleurs.

« Je ne veux voir personne ramasser le muguet assis, vous risquez d’abîmer les plantations derrière vous », gronde le contremaître qui surveille la cueillette dans une entreprise de Mauves-sur-Loire, tout près de Nantes. C’est donc à genoux, accroupis ou baissés entre les allées plantées que plusieurs dizaines de personnes s’activent cet après-midi là, sous un soleil cuisant. En fin de journée, faute d’habitude, tout le bas du squelette est tétanisé par les courbatures. « Le premier jour, c’est le plus compliqué », remarque Emma, une étudiante qui travaille pour la première fois cette année à la cueillette du muguet.

Embauche à 7h30 et pressions constantes

« C’est trop fleuri, ça », grogne une responsable qui chapeaute un groupe de cueilleurs disséminés entre les rangées de tunnels surmontés de bâches. Le bouquet cueilli doit être vert avec seulement une ou deux clochettes écloses à sa base. Car il y a encore quelques jours avant que les lots ne se dévoilent sur les étals du 1er-Mai et il faut laisser aux fleurs le temps d’éclore. Les brins de muguet sont tenus d’une main pendant que l’autre, plus ou moins experte, doit cueillir d’un coup sec et vertical. Sans casser ni déraciner la plante. Au bout de 35 brins, c’est le bouquet.

On dépose ensuite les brins liés – avec précautions s’il vous plaît, on ne doit pas entendre les clochettes tinter – dans une grosse boîte rectangulaire en polystyrène. Lors de l’embauche, à 7 h 30 du matin, ces réceptacles et leurs couvercles sont parfois balancés sans ménagement sur les ouvriers agricoles, comme pour bien indiquer que la journée ne sera pas une partie de plaisir. Il s’agit en effet de ne pas traîner et la pression de l’encadrement est constante. « Faut pas s’attarder, hein, faut changer de coin, il n’y a pas grand chose là », râle la cheffe d’équipe. La phrase rabâchée résonne en vrille aux oreilles du travailleur déjà liquéfié par la chaleur, abruti par la répétitivité des gestes, tiraillé par l’inconfort des positions de ramassage, à trente centimètres du sol sablonneux. Tout ça pour un Smic horaire (10,25 euros brut de l’heure).

85% de la production nationale est cueillie en Loire atlantique

Après une campagne 2020 ayant fortement pâti de…

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Auteur: Nicolas Mollé