« Ils ont exigé des fauteuils »

Alors que s’ouvre le procès en appel de France Telecom, nous en profitons pour republier cet article de Serge Quadruppani qui racontait dans nos pages, en juin 2019, quelques péripéties de l’audience de première instance.

C’est le premier procès du management moderne. Du 6 mai au 12 juillet, France Telecom et ses dirigeants de la période 2005-2009 passent devant le juge pour le harcèlement moral de leur propres salariés. Sous couvert de modernisation de l’entreprise, Didier Lombard et son gang s’étaient jurés de faire partir « d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte » 22 000 employés, soit un employé sur cinq, entre 2007 et 2009. Et cela sans les licencier, par la seule grâce de techniques de management aussi innovantes que meurtrières. La mise en place de la « nouvelle organisation » a entraîné des dizaines de suicides, des centaines de dépression et, en effet, plus de 22 000 départs. Tout au long du procès, le syndicat Solidaires, qui est à l’origine de la plainte contre les patrons, publie des compte-rendus d’audience réalisés, jour après jour, par divers intervenants. Voici celui du 14e jour du procès. Ce jour-là, c’est Serge Quadruppani qui avait été sollicité pour retourner au TGI de Paris.

Sur l’architecture du nouveau palais de justice de Paris, beaucoup a déjà été dit, ici et ailleurs. Disons qu’avec son apparence de hall d’aéroport, elle est l’une des dernières illustrations de cette tendance à tout calquer sur la pointe avancée de la sphère de la circulation du capital, le transport aérien (on sait que la SNCF cherche à transforme ses trains en avions low cost, avec un succès discutable). Ce qui distingue peut-être particulièrement les lieux, c’est cette insistance sur la lumière, une luminosité envahissante, dure, qui découpe le bord des choses et interdit les nuances de l’ombre. Un tel choix est à l’évidence en syntonie avec cet imaginaire de la transparence (publicité des débats et recherche de la vérité) qui est constitutif de l’Institution et que les vitres omniprésentes et les rambardes de verre rendent redondant. La Justice est là pour faire toute la lumière, on le sait, c’est du moins ce qu’elle prétend. Avec le procès de France Télécom, elle devrait donner à voir les méthodes de management qui ont entraîné un certain nombre de suicides. Mais précisément, qu’avons-nous vu ?

Dans la salle d’audience, les bancs réservés au public sont à une telle distance de l’écran où sont…

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Auteur: lundimatin