« Ils vident la Manche » : dans le Nord, des pêcheurs s'élèvent contre la pêche industrielle

Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), reportage

Sur le bitume, les contours cadavériques de poissons et de pêcheurs s’entremêlent. Des morceaux de rubalise jaune et noire parachèvent la mise en scène, digne d’une série policière. Dans l’après-midi du 9 mai, le marché aux poissons de Boulogne-sur-Mer a brièvement été grimé en « senne de crime », en référence à la senne démersale, une technique de pêche industrielle accusée de « vider » la Manche. À l’initiative des associations Bloom et Pleine Mer, une vingtaine de militants écologistes et de pêcheurs artisanaux se sont réunis pour exiger un moratoire. A minima, ils espèrent obtenir l’adoption, d’ici le 12 mai, d’un amendement déposé au Parlement européen par l’écologiste Caroline Roose, qui propose d’interdire la senne à moins de 12 milles des côtes françaises.

Les membres de Bloom ont transformé le marché aux poissons de Boulogne-sur-Mer en scène de crime. © Hortense Chauvin/Reporterre

Apparue dans les eaux du nord de la France au début des années 2010, la pêche à la senne consiste à extirper les poissons de l’eau après les avoir encerclés dans des filets dérivants. « Un peu comme avec un lasso », explique Alexandre Fournier, 25 ans, senneur repenti depuis près d’un an. Des câbles vibrants dissuadent les poissons de s’éloigner du centre. La technique est diablement efficace. Les filets des plus gros navires peuvent couvrir une surface de 2,5 km2. « Sur une journée, cinq bateaux comme ça rabattent l’équivalent de Paris dans leurs filets. »

La senne démersale a commencé à se développer sous l’impulsion des flottilles néerlandaises venues pêcher dans les eaux françaises. Comme un grand nombre de pêcheurs boulonnais, Alexandre Fournier s’y est d’abord opposé, avant de céder, dans l’espoir de contrer la concurrence. Un million d’euros ont été investis pour convertir son chalutier à la senne. « On ne voulait pas se laisser mourir, on a voulu rester compétitifs », justifie-t-il. Le jeune homme s’en mord aujourd’hui les doigts : « Si l’on continue ces pratiques, dans cinq ans, il n’y aura plus personne. Il n’y aura plus assez de poissons. »

Des activistes de Bloom et Alexandre Fournier (à g.) tiennent une pancarte dénonçant les effets de la senne. © Hortense Chauvin/Reporterre

« La seule solution, c’est d’interdire la technique pour tout le monde »

Dos aux navires mouchetés de guano amarrés sur le quai, les pêcheurs présents acquiescent….

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Auteur: Hortense Chauvin (Reporterre) Reporterre