Ils voulaient changer de vie et sont devenus « compagnons »

Montpellier, reportage

Julie délaisse ses cartons de légumes pour nous accueillir. Bouclettes au vent et tout sourire, elle travaille pour le magasin coopératif La Cagette, à Montpellier. Quelques années en arrière, la trentenaire s’épuisait dans un poste de travailleuse sociale : « La hiérarchie, le rapport aux institutions, la pression au travail, tout cela ne me convenait plus, raconte-t-elle. Je me sentais perdue, mais j’avais l’intuition que d’autres organisations du travail, plus collectives, plus épanouissantes, étaient possibles. » Un ami lui parla alors du Repas – le Réseau d’échanges de pratiques alternatives et solidaires – et de son compagnonnage alternatif. Un an plus tard, elle rejoignait cette aventure qui allait la « chambouler ».

Vieux de plus de huit siècles, le compagnonnage désigne un système de transmission de connaissances et de formation, longtemps pratiqué par des artisans et ouvriers. Au cours d’un tour de France de plusieurs années, les jeunes se rendaient d’atelier en atelier afin d’apprendre leur métier. Au sein de Repas, les compagnonnes et compagnons ne vont pas de ville en ville mais de lieux collectifs en entreprises coopératives ; surtout, il n’est pas question d’apprendre un métier, mais plutôt… des manières de s’organiser et de vivre. Avec une conviction : c’est tous ensemble que nous changerons le monde. « Faire des alternatives chacun tout seul dans son coin, c’est bien pour soi et son confort mais ça n’aura pas d’effet sociétal, explique Yann, membre du réseau. Le seul moyen pour que des expériences individuelles aient des répercussions à grande échelle, c’est de faire réseau, de diffuser, de transmettre. » Dans son livre Quotidien politique (éd. La Découverte, 2021), la sociologue Geneviève Pruvost prône ainsi l’« entre-subsistance » plutôt que l’autosuffisance, car explique-t-elle dans Le Monde, « l’engagement individuel est toujours associé à une dynamique collective, ancrée dans un même territoire ».

Remplissage du silo à copeaux en chantier collectif au Battement d’ailes en Corrèze.

« Sois le changement que tu veux voir dans le monde », certes, mais pas chacun dans son coin ! C’est un des constats fondateurs du réseau Repas, en 1994. Des sociétés coopératives, associations et lieux de vie collectifs se sont retrouvés pour échanger sur leurs pratiques. « Tous avaient l’impression d’être les seuls à essayer de penser le travail de manière non hiérarchique, et ils ont eu…

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Auteur: Lorène Lavocat (Reporterre) Reporterre