Immersion. Rencontre des mondes atlantique et pacifique

Cette étude s’inscrit dans un nouveau paradigme des réflexions sur la mer, apparu à partir des années 1980, qui « se fonde sur l’inversion radicale des qualités associées par le grand historien [Fernand Braudel] à la Méditerranée [dans son] œuvre fondatrice La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II. À la perspective continentale portée sur une mer que relieraient les voies terrestres et les villes portuaires, se substitue l’idée d’une connectivité maritime : une sociabilité et une unité spatiales rendues possibles par la mer. […] Cette focale océanique renouvelle de fond en comble la lecture de sociétés humaines désormais considérées comme jointes plutôt que séparées par la mer » (Hélène Artaud, Immersion, p. 185).

Le chant VIII de l’Odyssée[Dans la traduction de Philippe Jaccottet pour le Club français du livre en 1955. La réédition que je consulte, également du Club français du livre, est datée de 1959. Il en existe deux éditions (l’une illustrée) beaucoup plus récentes à La Découverte (2016 et 2017).]] raconte comment Alcinoos, seigneur des Phéaciens chez lesquels Ulysse a échoué après son dernier naufrage, infligé par l’ire de Poséidon, ordonne de « tirer dans l’eau divine un vaisseau noir n’ayant jamais tenu la mer » et de trier « dans le peuple cinquante-deux rameurs, de ceux qui ont fait leur preuves », afin de raccompagner le héros à Ithaque.

« Là-dessus [Alcinoos] prit les devants, les porte-sceptre/ le suivirent. […]/ Des jeunes gens choisis au nombre de cinquante-deux/ s’en furent, selon l’ordre, aux grèves de la mer stérile. »

Victor Bérard, ici, avait traduit « la mer inféconde ». Eugène Lassère, qui publia quant à lui une traduction de L’Iliade en 1960, reprend la formule « mer stérile » au premier chant, alors qu’Ulysse (déjà) embarque « Chryséis aux belles joues » afin de la ramener à son père Chrysès, prêtre d’Apollon affligé du rapt de sa fille par les Achéens et qui a pour cela déclenché la colère du dieu contre eux. Lassère suivait-il la leçon de Jaccottet ? Je l’ignore. En tout cas, l’un des plus récents traducteurs de L’Iliade, Philippe Brunet, reprend à son tour la « mer inféconde »… On trouve bien d’autres qualificatifs pour la mer dans les nombreuses traductions d’Homère – « infinie », « vineuse », « grise », sans parler des métaphores comme « les plaines humides » ou « les routes humides ». Il me semble bien…

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Auteur: dev