Impasse démocratique

Éditorial d’avril 2022

L’étrange campagne électorale que nous avons vécue, singulière par bien des aspects, a débouché sur le résultat le plus convenu qui soit. Celui qui était annoncé depuis des mois, sinon des années. Celui aussi que les Français voulaient éviter : une nouvelle confrontation entre le Président sortant et celle qui l’avait défié en 2017. Le scénario s’annonce idéal pour Emmanuel Macron, lequel a poursuivi son œuvre de déstabilisation méthodique des partis de gouvernement traditionnels – en témoignent les scores des candidates du Parti socialiste (1,74  %) et des Républicains (4,78 %) – pour installer le clivage insatisfaisant entre prétendus « progressistes » et « populistes »[1].

Favori pour le second tour, le chef de l’État aurait pourtant tort de s’enorgueillir des résultats obtenus. D’abord parce que la politique qu’il a menée depuis cinq ans, loin d’entraver la progression de l’extrême droite, en aura été l’adjuvant. Le RN et Reconquête ont totalisé plus de 10,6 millions de voix, ce qui est exactement le nombre de suffrages obtenus par Marine Le Pen au second tour de la présidentielle 2017 après report des voix provenant d’électorats disparates. Ensuite parce que celui qui entend rester un « rempart républicain » devrait avoir davantage de difficultés à l’emporter le 24 avril face à l’extrême droite tant son quinquennat aura attisé le ressentiment d’une grande partie des Français. La crise des Gilets jaunes en a été la manifestation la plus bruyante, évidemment, mais le score cumulé de Le Pen et Zemmour à l’occasion du premier tour de cette élection l’est plus encore. Le macronisme n’a pas réenchanté la société ; il en a accentué le délitement et les antagonismes en s’attaquant à ce qui en est le ciment : son pacte social (projet de réforme des retraites, ordonnances travail, restriction de l’accès aux allocations chômages, substitution de la doctrine du maintien de l’ordre par une stratégie répressive contre les manifestants…).

Le duel qui oppose aujourd’hui Emmanuel Macron, ce centriste qui n’a plus rien de modéré, à l’extrême droite, doit être replacé dans la perspective de la stratégie politique du Président. En 2017, le macronisme a d’abord été un populisme qui ne disait pas son nom, construit autour d’idées de « disruption » – sinon de « Révolution », pour reprendre le titre de l’ouvrage du candidat victorieux – et de dégagisme faussement…

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Auteur: Pierre-Henri Paulet