Implosion

Un jour elle a découpé son corps en plusieurs morceaux et elle a vu : les cercles concentriques empilés et ce liquide presque noir, d’une couleur de grenat, glissant, encerclant l’encre intérieure qui tourne en elle. Une danse plus imaginée que réalisée, une danse de désagrégation, une danse en lignes et en points.
Quand a-t-elle commencé cette danse intérieure, ce balancement d’un cercle à l’autre le long d’elle-mème ? Peut-être quand le présent extérieur a commencé à produire un passé impensable ?
Un passé mort.

Tous ces canaux, toutes ces rivières, tous ces fleuves, tant de fois parcourus, inventés autant que perçus. L’eau est l’élément indispensable à ce voyage immobile.
L’eau reflète des foules de monstres acceptables. Elle les invite pour un instant. Il suffit d’un coup devant pour qu’ils détalent.
Le temps a roulé les grèves des océans dans des feuilles de papier gras, chiotte ou journal. Les sables sont pris dans les blocs-notes et les nuits dans les néons. Elle danse immobile devant le mur liquide de sa prison.
L’océan rappelle un mot. Une parole donnée au vert et au bleu. Un jour.
Hier, le dernier animal a été retrouvé. Personne ne sait plus son nom. Hier, il y a un million de pulsations, elle a été emprisonnée dans le labyrinthe. Le sien. Il lui est entièrement réservé.
Elle n’a plus le droit de dire je.
Dans le labyrinthe, elle rencontre les ombres du temps du je. Elle n’en connaît pas les règles.
Elle se laisse aller au fil de son balancement.
Le fil coupe, enserre, desserre, redouble les bifurcations, les intersections. Un réseau capillaire. Fil de métal et crin. Son crin quotidien.
Longtemps elle avait péché sans penser, sans même le savoir, sans rien écouter, ni personne. Aussi a-t-elle droit à un code de repêchage.
De nouveaux quotas lui sont attribués.
Une autre morale bien plus nette. Des péchés capitaux rangés dans les coffres, alignés dans les temples de quelques dieux bien habillés, drapés de certitude, chaussés de frais, présentant bien, propres sur eux, morale d’acier, dieux du JT, dieux des sigles et des acronymes, dieux du stade, dieux rajeunis, dieux en série, algodieux, dieux des surfaces et des vides. Dieux des dieux.
Elle aura un vague aperçu.
Rien n’est sûr.
Quand elle tente d’articuler un son, quelques souffles oubliés soulèvent encore de vagues poussières sur sa langue. La soif est alors accablante.
Il y a bien quelques effets, quelques simulacres liquides et autres buées. De l’eau solide ruisselle dans les mille encoches et canaux…

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Auteur: lundimatin