Inflation : la volatilité des prix des matières premières se propage au reste de l’économie

Lors de la crise du Covid-19, les prix des matières premières ont connu des mouvements haussiers et baissiers impressionnants, si bien que le cours du brut était même passé brièvement en territoire négatif en avril 2020. Depuis, la volatilité du prix du pétrole s’est sérieusement accentuée, avec notamment l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 qui a conduit une explosion des prix de l’énergie.

Ces hausses brutales ont engendré de fortes tensions inflationnistes : en zone euro, la hausse des prix atteint même des records en septembre (10 % en rythme annuel, contre 9,1 % en août et au-dessus des projections du consensus de 9,7 %). Or, si l’on examine la core inflation, ou l’inflation de base qui exclut l’alimentation et l’énergie, elle a augmenté de 4,8 % sur un an, contre 4,3 % en août. Dans le même temps, les prix de l’énergie ont augmenté de 40,8 % en glissement annuel en septembre, contre 38,6 % en août, suivis par ceux de l’alimentation, de l’alcool et du tabac, à 11,8 %, contre 10,6 % le mois dernier.

La volatilité des prix des matières premières s’est ainsi transmise à l’économie réelle en générant de l’instabilité et de l’incertitude. C’est ce que les économistes appellent des effets de « spillovers » (débordements).

Des facteurs intrinsèques et extrinsèques

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces effets de spillovers des prix du gaz et du pétrole. Tout d’abord, des facteurs intrinsèques liés plutôt à la nature même de ces matières premières. Pétrole et gaz sont en effet considérés comme des biens de première nécessité et représentent des ressources indispensables pour bon nombre de secteurs et d’entreprises. En outre, la spéculation qui existe sur ces marchés des matières premières tend à gonfler les prix, avec notamment des répercussions sur les indices boursiers.

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Ensuite, d’autres facteurs de transmission permettent de mieux comprendre les effets de spillovers des volatilités accrues des prix de commodités. Il s’agit des facteurs comportementaux liés à la réaction émotionnelle des agents économiques, eux-mêmes déterminés par des biais comportementaux, face aux dynamiques de prix de ces énergies.

On en veut pour preuve, par exemple, les phénomènes de paniques collectives des consommateurs (particuliers et professionnels) face au risque de pénurie d’essence lors de la récente grève des salariés des raffineries. Cette situation a déclenché une course folle à la demande – tendance traduite par de nouvelles fortes augmentations des prix des carburants dans plusieurs pays européens.




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Enfin, les défauts de coordination internationale (lorsque, mi-2022, l’Arabie saoudite a décidé d’augmenter unilatéralement sa production du pétrole) ont eux aussi contribué à la forte volatilité des prix du pétrole et du gaz, en générant une nouvelle pression sur les prix ainsi qu’en alimentant une situation géopolitique mondiale déjà instable.

La sensibilisation pour réduire les « spillovers »

Les tensions géopolitiques et leurs conséquences sur les prix de l’énergie se sont ainsi imposées avec force dans les débats politiques nationaux à travers l’Europe. Sécurisation des filières énergétiques, soutenabilité de modèles industriels fondés sur des prix de l’énergie (fossile) très bas… Toutes ces difficultés amènent aujourd’hui les États à se positionner sur le devenir des modèles économiques encore dominants mais aussi sur la soutenabilité des déficits publics.

Rappelons en effet que, depuis le début de la crise énergétique en septembre 2021, 674 milliards d’euros ont été alloués et affectés par les pays européens pour protéger les consommateurs de la hausse des coûts de l’énergie (573 milliards d’euros dans l’Union européenne, dont 264 milliards d’euros pour la seule Allemagne, 97 milliards d’euros au Royaume-Uni, 4,6 milliards d’euros en Norvège). C’est la stabilité des finances publiques de nombreux États européens qui est ainsi désormais en question.




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Auteur: David Bourghelle, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de Lille