Inondations, soupe et sandwich pâté-myrtilles

Le dernier roman d’Estelle Benazet-Heugenhauser, publié au printemps dernier chez Rotolux Press, nous propose de passer une journée dans la tête d’une mère au foyer prise dans l’urgence d’un quotidien qui se joue au millimètre près : la pluie tombe fort, le niveau de l’eau monte et c’est toute une partie de sa maison qui va bientôt se retrouver engloutie. En attendant, il faut quand même nourrir les gosses, et sur cette question, Madame Perez déborde d’idées.
Voici quelques morceaux d’une théorie politico-nutritionnelle plutôt originale.

« Il pleut sur la protection plastique au-dessus du nouveau-né de cette femme, ça fait ploc les gouttes sur la protection plastique, la cloche sonne, le portail de l’école s’ouvre et les enfants courent. Ils tendent leur joue vers leur mère, ils attendent le bruit de succion des lèvres maternelles et des mains arrachent les goûters d’autres mains, les emballages se déchirent, les mâchoires de lait broient, des biscuits s’écrasent sous les dents cariées, des enfants chialent, les nez coulent, les miettes débordent au coin des bouches et la morve s’en mêle. Les mères me regardent, les oreilles se sont dressées vers moi avant que la cloche sonne, elles veulent savoir, elles me fixent, la plupart sans se cacher, elles se donnent le droit de me scruter, de me vérifier, de me fouiller, elles veulent savoir, elles veulent que j’avoue. […]

JE N’AVOUERAI PAS, JE N’AI RIEN A AVOUER

Je n’avouerai pas, je n’ai rien à avouer, car avouer serait reconnaître qu’elles ont raison, que j’ai besoin de leur aide, de leur protection mais je n’ai besoin de personne, car demander de l’aide, demander protection, c’est accepter d’être surveillée, elles veulent me protéger mais c’est en fait pour me surveiller, me contrôler, ça commence par la parole, si j’avoue une fois, elles pensent que j’avouerai d’autres fois, j’avoue devant elles, devant le tribunal des mères et j’avouerai alors un jour devant le tribunal des pères, et le tribunal des mères veut garder le secret, car il sait que lorsque le premier mot est sorti, c’est foutu, une mère avoue aux mères, le tribunal des mères passe le mot au tribunal des pères et le tribunal des pères vous interne, la loi des pères a encore le dernier mot. »

LORSQUE LE PREMIER MOT EST SORTI, C’EST FOUTU

« Le tribunal des pères fait semblant d’écouter le tribunal des mères, le tribunal des pères simule l’intérêt qu’il porte au tribunal des mères, il simule pour continuer à…

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Auteur: loutres