JACK MA VA-T-IL SARCLER LES POMMES DE TERRE ? — Bruno GUIGUE

Avec cette belle unanimité qui la caractérise, la presse pluraliste du monde civilisé nous invite désormais à pleurer sur le sort de Jack Ma, célèbre milliardaire mystérieusement disparu. Le malheureux homme d’affaires va-t-il reparaître un jour, ou sombrer dans les oubliettes d’un régime totalitaire prêt à tout pour asseoir sa domination ? Va-t-il finir dans un camp de concentration, triste compagnon d’infortune des pauvres Ouïghours qui n’ont pas encore été mangés tout cru ?

Est-il en train de sarcler les pommes de terre dans une exploitation agricole, de manier la pelle à charbon dans une centrale thermique, ou bien, peut-être, de se préparer une infusion de chrysanthème dans une obscure maison de retraite pour capitalistes récalcitrants ?

En fait, rien de tout cela. Sa famille a déjà annoncé qu’il était chez lui, bien portant, et qu’il préférait faire profil bas un certain temps vu les circonstances. Voilà, inutile de pleurer devant le poste de télé, Jack s’est simplement fait remonter les bretelles. Pourquoi ? Parce qu’il est trop gourmand. La firme qu’il a créée est en train de conquérir une position monopolistique et elle a tendance à assujettir ses partenaires à des règles exorbitantes. Révélés à l’automne dernier, les démêlés du groupe avec l’autorité régulatrice des marchés financiers sont la conséquence de cette attitude conquérante, confrontée à une politique antitrust dont le gouvernement chinois ne se prive pas de réaffirmer à cette occasion la pertinence.

Nous sommes tellement accoutumés, en Occident, à voir les multinationales faire la pluie et le beau temps, que l’intervention de l’État est présentée comme une violation des droits de l’homme. Mais l’économie chinoise est une économie mixte où, depuis les réformes, un puissant secteur privé coexiste avec le secteur public. Outre un appétit démesuré, Jack Ma a alors commis une deuxième erreur : il a ouvertement critiqué la politique des banques chinoises. Or le secteur bancaire, en Chine, appartient majoritairement au secteur public. Il n’est pas le tiroir-caisse de ses actionnaires…

Auteur: Bruno GUIGUE Le grand soir
La suite est à lire sur: www.legrandsoir.info