« Je n'ai pas envie de remettre des gens dans des sacs mortuaires » : une infirmière face au déclin de l'hôpital

« Je suis tétanisée à l’idée de répondre aux médias. Cet été, j’avais l’excuse d’être en Guyane mais depuis mon retour je n’arrive plus à répondre à aucune sollicitation. Parfois je ne prends même plus la peine de répondre un « désolée, je ne suis pas disponible ». Parfois c’est vrai, parfois c’est un mensonge. Aller sur un plateau pour dire quoi ? Quoi de plus ? Participer à la cacophonie qui nous parasite depuis le début de cette crise et qui s’est amplifiée depuis le début du mois ? Pour y être interrogée sur quoi ? Les fermetures des bars, les traitements miracles, les propos d’untel ou d’untel ou telle ou telle statistique ?

Ah si, peut-être pour y dire qu’on avait raison, probablement qu’on y est, l’hôpital s’effondre. Sauf que contrairement à ceux qui squattent les plateaux, je n’ai jamais été guidée par l’envie d’avoir raison. C’est justement parce que l’on avait pas envie d’avoir raison que l’on s’est battu.es. J’ai l’impression d’en avoir tellement dit que je n’ai plus les mots. Je ne suis pas assez cynique pour que cela ne m’affecte pas profondément. J’avais fait une pause sur Twitter car j’avais envie d’insulter tout le monde. Maintenant je tweete et je supprime aussitôt, fatiguée de mes propres commentaires. Je crois que ça y est, je n’ai même plus la force d’être en colère. Après plus d’un an à avoir, en plus de mon boulot, couru de plateau en plateau télé et bossé comme une dingue pour mobiliser et alerter, que dire de plus ?

Ce que Vincent Lindon ne saisit pas, c’est que laisser courir le Covid ne protégera pas ses enfants. Ce que Elie Semoun et Nicolas Bedos ne comprennent pas, c’est que laisser courir le Covid ne leur rendra pas la joie de vivre d’avant la perte de leur proche ni n’atténuera le traumatisme vécu. Cela…

Auteur : Yasmina Kettal
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