« Je n'avais jamais vu la neige » : réfugiés et précaires à l'assaut des sommets

Vallée de la Clarée (Hautes-Alpes), reportage

« C’est trop dur, c’est trop dur, je ne vais pas repartir », répète Edith, catégorique. Ses yeux sont humides et son visage marqué par l’effort. Elle arrive en dernier, sur ses skis de randonnée, après 1 ou 2 kilomètres de pente douce dans la vallée de la Clarée, dont les sommets tutoient les 3 000 mètres. « C’est normal que tu aies mal aux pieds, tes chaussures ne sont pas dans la bonne position ! » remarque Tatiana, bénévole de l’association 82-4 000 Solidaires. À 40 ans, Edith est en montagne pour la première fois.

La neige est une nouveauté pour elle : « J’avais seulement l’habitude de la voir à la télé. » Originaire de Côte d’Ivoire, elle a été redirigée par le 115 vers un accueil de jour situé dans les Yvelines, à Versailles, tenu par l’association SOS Accueil. Avec 2 accompagnants et 5 bénéficiaires, elle profite d’une semaine de vacances organisée par l’association 82-4 000 Solidaires (référence aux 82 sommets de plus de 4 000 mètres qui se trouvent dans les Alpes), basée à Briançon.

La montagne « nous appartient en commun »

Depuis près de onze ans, cette structure composée de guides de haute montagne, émanation d’ATD Quart Monde, propose des stages d’alpinisme à des publics en grande précarité. L’idée était de renouer avec la « part sociale de l’alpinisme, devenue peau de chagrin aujourd’hui », selon Hugues Chardonnet, le fondateur, ancien médecin et diacre dans les paroisses de Briançon devenu guide.

Si, dans les années 1950, les politiques publiques ont soutenu un accès plus démocratique à la montagne — classes de neige, gîtes appartenant à des collectivités, etc. —, depuis trente ans, ces bâtiments sont transformés en « hôtels quatre étoiles pour des clients plus solvables ». Partager la montagne avec ceux qui, comme Edith, n’y ont jamais eu accès, est un rappel : celui que cet environnement « nous appartient en commun ». Par an, près de 100 personnes en moyenne bénéficient de ce dispositif, grâce à des dons.

Au fil de leurs pas sur le sentier enneigé, les bénéficiaires de SOS Accueil racontent facilement leur histoire. À l’image de celle d’Edith, ce sont des récits de fuites d’un pays, d’une espérance d’une vie meilleure et du couperet de l’expulsion qui n’est jamais très loin.

Salou est plus discret. Lui est né en France, a longtemps travaillé en boulangerie. Au bout de quelques kilomètres à ses côtés et alors qu’il s’est mis à porter le sac d’Edith pour qu’elle puisse avancer plus vite, il se confie : « En fait, je sors tout juste de prison. » Il ne s’étendra pas plus sur le sujet. « Le…

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Auteur: Maïa Courtois, Martin Delacoux, Valentina Camu Reporterre