Je ne veux pas d'une vie entièrement numérique

Corinne Morel Darleux est conseillère régionale en Auvergne-Rhône-Alpes et a publié Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce (Libertalia).


Corinne Morel Darleux.


Ce 17 février était un mercredi, jour de marché, haut lieu de circulation d’informations dans le Diois. On y apprit l’incendie de Crest. La première réaction spontanée, disons-le, fut un sentiment de jubilation, celle de l’irruption d’un imprévu dans cette période qui en manque tant. Et puis le penchant technocritique en nous était ravi de ce grippage des rouages du numérique qui régissent nos vies. Surtout depuis un an où tous les échanges transitent par les écrans et où la « visio » commence à nous flanquer des allergies.

En ville, certains distributeurs de billets ne fonctionnaient plus, les paiements par carte bleue non plus. Le buraliste se désolait de ne plus pouvoir vendre de jeux à gratter. Les fumeurs cherchaient nerveusement des pièces dans le fond de leur poche pour s’acheter un paquet. Des restaurateurs, déjà fermés pour cause de Covid, ne recevaient plus les commandes à livrer. Les commerçants sur le marché écrivaient des reconnaissances de dette sur des bouts de papier. On naviguait entre exaspération et joyeux bazar.

L’exercice est édifiant sur l’omniprésence du numérique dans nos vies. Il a suffi d’un incendie pour paralyser une grande partie de l’activité. Mais il faisait beau ce jour-là et il planait un parfum d’école buissonnière, celui des jours chômés en milieu de semaine. Le plaisir enfantin de l’événement impromptu qui reporte les devoirs, avec une excuse en or.

 On avait à peine eu le temps d’entrevoir une autre manière de s’organiser, que la récréation était terminée

Un mince filet aléatoire laissait filtrer quelques textos, on en profitait pour décaler les rendez-vous prévus et le reste de la journée se passa loin des écrans, pour la première fois de l’année. On redécouvrait le jardin qui avait sommeillé loin des mains tout l’hiver. Il restait quelques noix à glaner, de menus travaux à effectuer qu’on avait laissés de côté, les framboisiers à tailler. Le pêcher laissait deviner les futures fleurs à travers ses bourgeons. On avait presque l’impression de renaître.

Quelques réflexes subsistaient néanmoins et ils sont coriaces. Un coup de fil à passer ? On décrochait le téléphone pour entendre un message de panne. Un renseignement à chercher sur un citronnier malade ? On saurait plus tard. Un tour sur Internet pour trouver les sous-titres…

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Auteur: Corinne Morel Darleux Reporterre