“Je refuse de vendre de la merde pour le capitalisme”

“Je refuse de vendre de la merde pour le capitalisme”. J’ai prononcé ces mots lors d’un entretien d’embauche, début novembre, devant les yeux ronds des deux responsables du recrutement d’un magasin de cosmétiques bien connu des centres urbains, enseignes d’où émane une odeur savonneuse de barbapapa caractéristique à des kilomètres à la ronde.  Le cœur palpitant, j’ai prononcé ces mots devant quinze autres jeunes qui postulaient comme moi à un emploi de vendeur en CDD pour les fêtes de fin d’année.

Après un master en anthropologie obtenu en 2020, j’ai effectué divers métiers pour gagner ma vie (animateur en école maternelle, AESH en collège). En plein covid, et ne trouvant pas d’emploi dans ma région lié à mes études, j’ai ensuite profité de mes 25 ans et de mon droit au RSA pour monter mon entreprise. Malgré tout, j’ai postulé à cette offre lors d’une énième crise de Pôle-Emploi aiguë car j’ai besoin d’argent pour financer un de mes projets. D’habitude, mes diplômes élevés m’octroient des refus pour ce type de poste de vendeur. Ils m’ont rappelé ce qui a été une surprise, et j’ai décidé de me rendre à l’entretien.  

Nous sommes quinze candidats et nous sommes tous en concurrence pour cinq postes. Nous avons une chance sur trois d’être pris.

Un beau matin de novembre, je me rends comme convenu au téléphone à l’entretien d’embauche collectif de l’entreprise. Nous sommes quinze candidats à attendre à huit heures devant la boutique du centre-ville. Grelottant de froid, personne ne se parle. Tous masqués. Tous des jeunes. A l’entrée, deux femmes, d’environ trente ans, l’une blonde et l’autre brune, l’allure corporelle et verbale décontractée typique du management cool (tutoiement de rigueur, jean-basket, effort de complicité feinte), nous accueillent et nous invitent à entrer dans le magasin. Une étiquette avec nos prénoms est collée sur nos vêtements. Pour commencer cette matinée de recrutement, un premier jeu est organisé par les deux supérieures : nous sommes séparés en deux équipes placées chacune devant deux étalages de produits cosmétiques. Il s’agit de mémoriser en équipe, en trois minutes chrono, les noms de tous les cosmétiques achalandés et de déposer la bonne étiquette sur les bons produits, en deux minutes. C’est à l’équipe la plus rapide qui gagne. Malgré les rires créés par la situation cocasse où nous devons agir en collaboration, tout le monde se tient droit : cela reste une situation délicate où…

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Auteur: Rédaction Frustration Mag