« Je suis assigné à résidence depuis plus de quinze ans et demi »


Kamel Daoudi a été condamné en 2005 à six ans de prison pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », puis assigné à résidence en 2008, ce qui fait de lui le plus ancien condamné dans ce cas en France. En septembre, la Cour européenne des droits de l’homme a rejeté sa requête qui visait à mettre un terme à cet état de non-droit pour lui et sa famille. 


Honoré qu’un journaliste de Politis ait pensé à moi, j’ai pourtant hésité à raconter une énième fois mon histoire avec le détachement du spécialiste de mon cas. En bavardant au téléphone avec moi, ma femme, ma compagne de fortune et d’infortune, me convainquit qu’il fallait jeter un jour nouveau sur les sentiers battants de notre odyssée.

Trois mots clignotaient dans ma tête pour allumer le fil de ce récit : Politis, carte blanche. Me remémorant la purée de pois de mes cours de latin et de grec d’antan, je me demandais s’il s’agissait du grec πολίτης, le citoyen, le civil, ou du datif et ablatif pluriel de politus polita politum : raffiné d’une grande délicatesse (châtié, en parlant du style), poli, civilisé, raffiné, mais aussi poli dans le sens lisse, qui ne présente aucune aspérité. Me donner à moi une carte blanche, c’est-à-dire « me laisser dicter mes conditions », moi le non-citoyen par excellence nassé dans un no man’s land depuis quinze ans et demi, avec un style mi-chafouin mi-châtié, avait quelque chose de cocasse, de burlesque, de truculent.

Depuis 2008, je pointe plusieurs fois par jour au commissariat de la ville, je suis astreint au périmètre de la commune que l’État m’impose.

Comment résumer ma vie en quelques mots ?

Né en Algérie en 1974, je suis arrivé en France à la faveur du regroupement familial de Giscard. Destin de fils d’immigrés condamné à la réussite pour conjurer le sort. Scolarité dans le…

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