Vous allez battre en retraite. Je suis lutte des classes. Je suis résistante

Je suis lutte des classes. Je suis résistante

“Je reprends corps. Vous allez battre en retraite. Je suis lutte des classes. Je suis les trente, les vingt prochaines années. Je suis le pire cauchemar de vos sociétés de contrôle.
Je suis notre Joker. Je suis résistante !” (Cléone – Lettre 3)

Je suis Cléone et on ne me rattrapera jamais…
Je suis marronne, je suis le chœur du Bloc.
Je suis le cortège qui bille en tête vous a renversé et vous renversera encore.

Je suis la grève, celle que j’ai foulé il y a des siècles, le corps hagard, rompu et enchaîné, mais vivante. Je suis la fuite, l’échappée. Je suis la rapine, la ruse, l’incendie, le poison, la machette retournée contre vos gorges. Je suis la rumeur des soulèvements du passé parvenue jusqu’à vous. Les mornes, les oasis, les communes, les landes, les friches, les squats sont ma terre. Le monde qui vous survivra est un Quilombo.

Je suis le spectre de la révolution.

Mon esclavage, mon labeur, ma vie vous a nourri, soigné, blanchit et élevé, lavé, éduqué, transporté et diverti. Ma sueur, mon sang, mon sexe vous ont assez enrichis. A mon tour, je veux vous affamer.

Je suis la grève face à vous, la colère partout, ruinée mais déchaînée. Je suis désespoir, joie et fureur. Je suis la pénurie, le blocage, le sabot dans le rouage de la machine, je suis le train arrêté en pleine voie, le piquet de grève, le bateau à quai, l’occupation, l’amoncellement de palettes, de pneus, la barricades de chaises, le fumigène, le bris de verre… je suis l’obscurité du courant coupé.

Je suis lucidité.

Je suis nue ; sans robe noire, sans blouse blanche, sans cartable et sans livre, sans outils et sans arme… Je vous les jette à la gueule. Je suis combattante : danseuse, chanteuse et musicienne aux marches de vos palais, je suis solidarité.

Je suis celle qui t’aide à te relever en pleine embuscade, à t’échapper de la nasse, à revenir ensemble à la charge. Je suis Street Medic.

Je suis réalité.

Je suis le butin, la caisse de grève, le nerf de la guerre. Je suis condition d’existence.

Je reprends corps. Vous allez battre en retraite.

Je suis sans boulot. Exploitée, dépouillée, endettée, édentée, je suis celle qui dort dans sa voiture, qui roupille dans la rue, qui vole dans vos poubelles ; celle qui crève en EPHAD. Je suis votre bilan politique.

Des lustres à ingurgiter vos éléments de langage, vos flux d’images, vos insultes, vos imaginaires, vos dénis, vos trahisons, vos comptages, vos indignations, vos mépris, vos manipulations, vos compassions. Vous êtes nauséabonds.

Je vomis votre pouvoir d’achat, votre Etat de droit, votre rétablissement de l’ordre, votre universel, vos politiques d’égalité, votre épouvantail d’âge pivot, vos coupes budgétaires, vos fonds de pension, vos dividendes, votre PIB, votre société de consommation, votre plastique sur vos produits bio, vos RIO, vos tribunaux, votre Europe, vos privatisations, vos armées, vos pillages, vos saccages, votre morale, votre humanisme, vos humanitaires, vos égouts et vos décharges. Je suis lutte des classes.

Je suis la lutte idéologique même.

Je suis notre rencontre funeste. J’ai trébuché, ployé… Je suis ensanglantée, je suis assassinée. J’ai succombé sous la charge de votre brutalité meurtrière. Je suis l’eau dans les poumons de Steve Maia Caniço dans Nantes insurgée. Au milieu de la cour de la gendarmerie de Persan, je suis l’air qui manque dans les poumons d’Adama Traoré qui vous implore. Je suis le cœur qui cesse de battre de Cédric Chouviat au pieds de la Tour Eiffel. Partout vos genoux sur mon dos, je suis nos morts, je suis votre crime.

Dans les yeux endeuillés des familles : Cléone-Antigone est vérité. Je suis justice.

Je suis le bras fantôme qui ne cessera plus de vous renvoyer vos bombes et vos grenades assassines. Je suis Rémi Fraisse. Je suis Zineb Redouane.

Je suis la mémoire de la main coupée des esclaves en fuite repris par les colons et leurs chiens au nom du Code Noir. Je suis la main arrachée au nom de la République du peuple des ronds-points, monté à Paris pour fracasser vos fétiches de plâtres, piller vos boutiques de luxe et saccager vos immeubles haussmanniens. N’oubliez pas, d’un œil je vous vois encore.

Je souris à vos profilages ; je suis le pire cauchemar de vos sociétés de contrôle. Je suis notre Joker.

Du fin fond de ma geôle, des cales du néolibéralisme, je continue à hacker vos datas. Dans vos conseils au sommet, dans vos CA d’actionnaires, dans vos bureaux, dans vos réunions de crise… Je suis pirate.

Jusque dans vos abattoirs implantés à l’abri des regards, je vous filme. Vous savez que nous savons : nous savons que vous saviez.

L’information est mon Pharmakon, elle me gave, me sidère, m’épuise. Je suis désorientée, tétanisée, lobotomisée. Je voudrais oublier. Ne plus regarder, ne plus entendre l’insupportable, l’inexorable. Je suis folie.

Et l’intranquillité tapie dans mon intimité atomisée rencontre l’écho du soulèvement : ils sont les 1%, je suis les 99%. Je suis l’affrontement inévitable.

Je suis nécessité.

Je suis le marteau de la philosophie du Nous, l’accoucheuse de l’histoire d’un Commun.

Je suis l’éminence de la fin du monde. Je suis les trente, les vingt prochaines années.

Je ne suis pas encore morte et plus tout à fait vivante, je suis zombi.

Je suis les forêts et les arbres, les océans, les rivières, les oiseaux et les insectes, les mammifères et les poissons, je suis l’air, la terre et l’eau… j’agonise. Je suis l’espèce intoxiquée, chassée, massacrée, décimée. Vous êtes DDT, chlordécone, mercure, chlore, glyphosate, nitrite, E120, E129, E150, E250, E407, E621…

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