« Je veux plus aller à l'école »

En France, l’infini débat sur l’école fatigue tout le monde, il est toujours déjà tellement miné : comment faire pour que l’école fonctionne mieux, soit plus égalitaire mais sélective, républicaine et performante. Tous ces discours ne parviennent pourtant jamais à faire écho à l’expérience que la plupart d’entre nous en avons fait : l’ennui, le stress, l’humiliation. Le fait nouveau ces dernières années, c’est que certains professeurs semblent eux-mêmes ne plus voir le lien entre ce qu’ils vivent et le discours « de gauche » censé fonder leur « vocation ». Ce texte que nous publions est à la fois un témoignage et une analyse, il a le grand mérite de partir de l’expérience, de professeur d’abord mais aussi des élèves, afin de tracer les lignes depuis lesquelles on perçoit ce qu’il y a d’inacceptable dans ce qui y est vécu, de tous bords. Et ce que pourrait un apprentissage qui refuse l’humiliation.

« C’est dur en ce moment avec le petit, me confie une collègue de français, il pleure tout le temps quand il va à l’école. Il veut pas y aller. En plus, nous on est profs, alors t’imagine ! »

J’imagine plutôt bien. J’ai beau être prof d’anglais depuis cinq ans en lycée, je sens aussitôt une fraternité s’établir avec ce petit être en bout de chaîne, qui gémit d’être avalé par l’institution. Il va être digéré pendant une quinzaine d’années, ces années de jeunesse triomphante qui, une fois perdues, ne se rattrapent jamais.

— C’est normal, dis-je à celle que je vais nommer Lorraine, c’est une grosse rupture pour les gosses.

J’ai pas envie de lui dire qu’il va s’habituer. Mais c’est ce qui va arriver. Ils finissent tous et toutes par s’habituer aux cadences industrielles de ce lieu coupé du monde vivant. Où l’on essaye de faire croire qu’une idée, l’écoledelarépublique, prend forme alors que partout ça sent désespérément l’humain. Il y a les odeurs de transpiration dans les salles de classe. Le délicat fumet de bouffe réchauffée au micro-ondes dans la salle des profs. Les relents de chiottes dans les couloirs. Et puis, il y a tous ces instants d’humanité pas encore cadrée. Des gamins qui échappent à la maîtresse pendant la pause pipi et courent joyeusement dans les couloirs, le cul à l’air. Mon élève Fatma qui hurle à une fenêtre et se prend deux heures de colle, tiens, ça lui apprendra à ne pas respecter l’écoledelarépublique. Une pizza que l’on essaye d’introduire dans mon cours de BTS et à…

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Auteur: lundimatin