Je viens d’apprendre la mort de René Taesch

Notre histoire est née à la fin des années 80, alors que je tournais mon
premier documentaire. J’ai rencontré René dans un bistrot « le Luxembourg »
au centre de Metz. Il se promenait avec un carton à dessin peuplé de photos
noir en blanc de SDF. Je rentrais de Suisse . Très vite, l’intuition m’est
venue que René était la victime et le témoin des banquiers et des traders
que je traquais par ailleurs. Une amitié est née. Et deux livres ont suivi.

« Rue des singes » démarre au début des années 50 et s’achève finalement
avec la mort de René hier à l’hôpital de Mercy, des suites d’un cancer très
vorace.

« Portrait de groupe avant démolition » est notre première collaboration. Un
livre de photos prises dans les rues de Metz. C’est un livre mêlant texte et
images qui racontait l’existence de sans domicile fixe.

Je n’ai pas voulu faire ce livre pour qu’on verse une larme, ni pour faire
un coup d’édition. Les coups, ce sont les amis de René qui les prennent. Mon
idée était de trouver une riposte aux spécialistes du fatalisme. Leurs mots
ont fini par endormir en nous toute révolte: Marché financier,
restructuration, CAC 40… Quand René m’a montré ses photos, j’ai voulu
savoir ce qu’elles cachaient. Tragiquement, ce travail a rendu dérisoire les
discours trompeurs de la plupart des économistes. Je voudrais faire partager
ici le plaisir indicible de la colère qui remonte en vous. Comme une sève
nécessaire, avais-je écrit dans ma préface.

René partageait sa vie entre la rue et un appartement où les loyers
n’étaient pas toujours payés à temps, et que le propriétaire cherchait à
rénover pour toucher une clientèle plus aisée. Je lui avais posé beaucoup de
questions sur le chemin qui l’avait amené à cette marginalité. Il m’avait
présenté ses amis, tous victimes de l’alcool, de la dope et de la guerre
économique. Chacun avait un itinéraire particulier qu’il était difficile de
reconstituer. Le temps, la fatigue, d’évidentes pudeurs.

René griffonait au stylo des notes et des poèmes. Un ordinateur était
disponible. Il a très vite appris à taper et s’y est mis. Il a essayé de
répondre aux questions basiques que tout écrivain est en droit de se poser :
Pourquoi je suis là? Qu’est-ce que ma vie? Que vais-je laisser à ceux que
j’aime? Pendant sept années, avec des hauts et beaucoup de bas, René a
gratté, a imprimé, a raturé, a recommencé, a perdu, a…

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Auteur: Blast info