Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, contre le « terrorisme » du cliché

Machorka-Muff, 1962.

Jean-Marie Straub est mort le 20 novembre dernier, seize ans après sa compagne et coréalisatrice Danièle Huillet, deux mois après Jean-Luc Godard, décédé dans la même petite ville de Rolle, en Suisse.

On n’a pas suffisamment reconnu que Jean-Marie Straub a fait, comme ce dernier, partie de la Nouvelle Vague : il rencontra André Bazin des Cahiers du cinéma, écrivit plusieurs textes pour la revue (qu’elle ne publia finalement pas), mais surtout il fut l’ami, dès les années 1950, de Jacques Rivette et Jean-Luc Godard, fréquenta François Truffaut, Claude Chabrol, Luc Moullet.

Ce cénacle de critiques (auquel il faut ajouter l’aîné Éric Rohmer) est célèbre pour sa « révolution » dans le cinéma français et international. Une interprétation courante veut qu’il se soit agi d’un simple conflit de générations : les Jeunes Turcs — comme on les appelait — auraient poussé les anciens (les Julien Duvivier, Henri Clouzot, Marcel Carné, etc.) vers la sortie pour prendre leur place. C’est omettre que les critiques de la Nouvelle Vague avaient des maîtres, aussi anciens : Jean Renoir, Robert Bresson, Max Ophüls, Jean Cocteau — pour s’en tenir aux Français.

Car la Nouvelle Vague avait bien autre chose en tête en attaquant avec violence ce qui s’appelait la « qualité française ». Elle s’en prenait en fait à une rhétorique, un langage pratiquement fossilisé, qu’impliquaient des manières devenues routinières de produire, écrire et réaliser les films. Ce qui se perdait avec cette rhétorique, c’était un rapport vivant à la société vivante. Il fallait, pour le retrouver, débarrasser le cinéma de tous ses tics vieillots, en s’inspirant — entre autres — de la liberté de Jean Renoir et de son héritier Jean Rouch, de leur goût pour les surprises du hasard et l’improvisation, de leur parti-pris réaliste (que ne démentent pas les derniers films de Renoir, où une théâtralité exacerbée vise un réalisme au second degré). Si les chemins des cinéastes de la Nouvelle Vague ont ensuite largement divergé, leurs films des débuts portent la même empreinte d’un désir d’ouvrir le cinéma au monde, du moins à un monde qui leur était proche, des Quatre Cents Coups aux Bonnes Femmes, en passant par À bout de souffle et Le Petit Soldat.

Lire aussi Pascal Corazza, « Au service des bonnes causes », Le Monde diplomatique, février 2023.

Quand Godard réalisait ce film, son deuxième, qui exposait avec une…

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Auteur: Mehdi Benallal