Joe Biden : un discours populiste de gauche sur l’état d’une Union divisée

Moment phare de la vie politique américaine, le discours sur l’état de l’Union du président des États-Unis a eu lieu le 7 février dernier : une des rares occasions où les trois branches du gouvernement sont réunies. Le président y fait le bilan de son action et présente son programme à venir en direct, devant des dizaines de millions de téléspectateurs et quelques invités triés sur le volet.

Cet événement, instauré en 1790, est devenu, au fil du temps, un véritable spectacle politique fait de faste et de formalisme cérémoniel, ponctué d’applaudissements et de « standing ovations », plus particulièrement depuis que Ronald Reagan a instauré la tradition d’inviter des personnes à la tribune. Il s’agit souvent de citoyens ordinaires, honorés dans le discours pour leur héroïsme, ou parce qu’ils incarnent les valeurs exceptionnelles de l’Amérique… ou encore, plus pragmatiquement, un aspect de la politique du président. Le jeu consiste à faire applaudir, voire ovationner, par les membres du Congrès, y compris ceux du parti adverse, ces héros et la politique qu’ils illustrent.

La présence particulièrement émouvante de la mère de Tyre Nichols, ce jeune Noir battu à mort par des policiers le 7 janvier dernier, auquel l’ensemble des élus ont rendu hommage, a ainsi été l’occasion pour Joe Biden de demander au Congrès d’adopter sa proposition de loi sur la réforme de la police.

Une Union divisée

À travers ce discours, qui découle d’un devoir constitutionnel du président d’informer le Congrès de « l’état de l’Union » (Article II, Section 3), il s’agit aussi de démontrer au peuple que la nation est unie. Joe Biden conclut son intervention en réaffirmant sa croyance dans l’exceptionnalisme américain, et en proclamant que l’union de la nation est forte « parce que le peuple est fort ». Pourtant, le spectacle qui a été donné ce 7 février a plutôt été celui de la division.

Le président avait bien commencé son discours sur une note unitaire, en félicitant ses adversaires élus au Congrès, y compris le nouveau président républicain de la Chambre, Kevin McCarthy, et en insistant sur le fait que les législateurs démocrates et républicains devaient travailler ensemble à l’élaboration des textes de loi.

Mais la question du relèvement du plafond de la dette fédérale, qui doit être voté par le Congrès d’ici juin afin de pouvoir payer la dette sur les marchés financiers, a déclenché les hostilités. Les Républicains les plus radicaux ont en effet conditionné leur vote à des baisses massives de dépenses publiques, y compris sociales.

Joe Biden a accusé cette frange du parti républicain de procéder à une forme de chantage et même de vouloir signer l’arrêt de mort des très populaires programmes de santé des seniors (Medicare) et d’assurance-retraite (Social Security). Le président était manifestement prêt à une réaction de l’opposition. Celle-ci ne s’est pas fait attendre. Les plus radicaux des élus républicains n’ont pas hésité à invectiver et à huer le chef de l’État, l’élue extrémiste de Géorgie Marjorie Taylor Greene se signalant particulièrement en criant « Vous mentez, vous êtes un menteur ! ».

Improvisant, le président note alors ironiquement que puisque Greene affirme qu’il ment lorsqu’il dit que les Républicains veulent enterrer les programmes sociaux… c’est donc que ces derniers ne souhaitent pas les remettre en cause ! « On a l’air d’accord, on n’y touche pas ? On a l’unanimité alors ! », dit-il malicieusement, invitant l’assemblée à se lever pour les seniors, forçant ainsi de nombreux élus républicains à se joindre aux applaudissements.

Nationalisme économique et populisme de gauche

Au-delà de cette joute inhabituelle entre un président et le parti adverse, le discours de Joe Biden marque aussi la consécration d’une véritable rupture idéologique avec l’enthousiasme pour le libre-échange et la mondialisation que les deux partis ont eu en commun au cours des quarante dernières années. Prônant un véritable nationalisme économique, le président démocrate reprend le slogan de son administration, « Buy American », qui fait écho au « America First » de Donald Trump en 2016.

Rien de…

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Auteur: Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris Université