Journalistes agressés : « Chez certains gros agriculteurs, le sentiment d'impunité est très fort »

Enquêter sur l’agriculture industrielle n’est pas dangereux qu’en Bretagne. En septembre 2020, deux journalistes de l’émission « Envoyé spécial » sur France 2 ainsi que la journaliste locale qui leur servait de guide étaient agressés dans les Bouches-du-Rhône par l’agriculteur Didier Cornille. Le procès de ce dernier aurait dû se tenir lundi 18 octobre au tribunal de police de Tarascon. Il a finalement été reporté au 20 décembre : les juges avaient reçu le matin même un courriel de la secrétaire de M. Cornille indiquant qu’il était « fiévreux ».

Thomas Guery, le cameraman, est celui qui a été le plus touché physiquement, avec des douleurs au dos plusieurs mois après les évènements. Laura Aguirre de Cárcer repense souvent au fait que ses jambes auraient pu passer sous la voiture de l’agriculteur. Quant à leur guide, une journaliste indépendante implantée localement, celle-ci se sent encore aujourd’hui menacée. Elle témoigne auprès de Reporterre, anonymement pour se protéger.

Thomas Guery et Laura Aguirre de Cárcer devant le palais de justice de Tarascon, le lundi 18 octobre 2021. © Marie Astier/Reporterre

Reporterre — Pouvez-vous d’abord nous rappeler les circonstances de l’agression ?

La journaliste indépendante — Cela fait cinq ans que je travaille sur la question des conditions de travail et d’hébergement des travailleurs d’origine étrangère dans l’agriculture du sud de la France et des Bouches-du-Rhône. En septembre 2020, j’ai été embauchée par France 2 pour l’émission « Envoyé spécial », pour les guider. Il y avait eu des foyers épidémiques de Covid-19 dans les lieux d’hébergement collectifs de ces travailleurs et travailleuses.

C’était le deuxième jour de tournage. Nous sommes allés le matin au Mas de la trésorière, un de ces lieux d’hébergement. On était garés bien à l’extérieur, car on avait eu des consignes du service juridique de France 2 nous disant de ne pas risquer une violation de propriété privée. Thomas, le collègue cameraman, a pris quelques plans. Didier Cornille est arrivé à bord d’un gros pick-up avec un pare-buffle. Il nous filmait et nous a demandé ce que l’on faisait là. Laura, ma collègue, s’est présentée et lui a demandé s’il était le propriétaire des lieux et s’il y avait encore des travailleurs à l’intérieur, car ce lieu-là avait été frappé d’un arrêté de fermeture de la préfecture pour logement indigne.

Il nous a répondu « Cassez-vous, vous n’avez rien à…

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Auteur: Marie Astier (Reporterre) Reporterre