Dans un texte très juste, s’appuyant en partie sur un témoignage personnel, Elie Duprey interroge les impensés coloniaux au coeur des discours de soutien à Israël : une forme de cécité qui empêcherait de construire, en France, les solidarités nécessaires pour s’opposer à la guerre contre les Palestinien·nes de Gaza, au racisme dans toutes ses variétés et au processus de fascisation en cours.
***
Cela doit faire environ dix ans que je n’ai pas parlé avec ma mère du conflit israélo-palestinien. Alors même que la discussion politique constitue depuis mon enfance une part importante de ma sociabilité familiale, nous n’en parlons pas, d’un commun accord plus ou moins tacite. Cette impossibilité, je la retrouve – certes à des degrés moindres – avec d’autres personnes chères à mon cœur, mais qui ont toutes ceci en commun que le signifiant juif leur est essentiel.
À l’époque où nous en discutions encore, ma position était celle d’un sioniste de gauche : l’existence d’un Etat-Nation juif est légitime, comme l’est celle d’un Etat-Nation palestinien, la violence est mauvaise, la paix est bonne, etc. Mais il restait pourtant à mes yeux une question insoluble, à laquelle personne n’a jamais réussi à apporter le début d’une réponse satisfaisante : avant 1948 et la création d’Israël, de quelle légitimité pouvaient se réclamer les Juifs désireux de créer leur Etat sur ce territoire ? Quel droit avaient-ils sur cette terre ?
Faute de pouvoir répondre à cette question, nous ne la posions pas, nous faisions comme si elle n’existait pas et parlions d’autre chose, c’est-à-dire d’à peu près rien : si seulement Rabin n’avait pas été assassiné, si seulement Arafat avait adopté telle position plutôt que telle autre, si seulement les gens de bonne volonté de part et d’autre pouvaient se mettre autour d’une table… Mais cette question demeurait en arrière-plan, à…
La suite est à lire sur: www.contretemps.eu
Auteur: redaction