Justice : que va changer la généralisation des cours criminelles départementales ?

Depuis le premier janvier, une nouvelle juridiction jusqu’ici en phase d’expérimentation s’est généralisée : la disparition des jurys populaires dans certaines cours d’assises et la création des cours criminelles départementales. Ces cours criminelles sont composées uniquement de cinq magistrats professionnels, il n’y a pas de jurés, alors qu’ils représentaient la particularité et l’essence même de cette juridiction de jugement.

Jusqu’à présent selon l’article 240 du code de procédure pénale, toutes les cours d’assises étaient mixtes, composées de la cour et du jury. La cour est composée de trois magistrats professionnels, le président qui doit être un magistrat de la cour d’appel, et les assesseurs. Le caractère mixte de la composition de cette juridiction provient de la présence du jury. Les jurés de jugement formant ce jury ne sont pas professionnels et sont tirés au sort au sein des listes électorales. Pour chaque procès les jurés de jugement sont au nombre de six en première instance et neuf en appel (depuis la loi n°2011-939 du 10 août 2011). Par ailleurs, l’article 254 du code de procédure pénale dispose que « le jury est composé de citoyens ». En ce sens la cour d’assises est qualifiée de juridiction populaire : des représentants du peuple participent au jugement des crimes.

Une réforme aux ambitions floues

La loi du 23 mars 2019 a instauré la cour criminelle départementale. Son article 63 dispose donc que « les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale, sont jugées en premier ressort par la cour criminelle ». La composition de cette juridiction est donc constituée d’un président et de quatre assesseurs, et juge les crimes les moins graves quant à leurs peines.



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Cette juridiction fut expérimentale jusqu’au 31 décembre 2022, et généralisée depuis le 1er janvier. L’objectif affiché est d’éviter la correctionnalisation des infractions criminelles (c’est-à-dire omettre la qualification criminelle du fait jugé pour le qualifier de délit et le faire juger par un tribunal correctionnel) et l’aléa des décisions des jurés.

Dans le projet de loi, il est affirmé que cette nouvelle juridiction est créée « afin principalement de réduire la durée des audiences, de permettre ainsi le jugement d’un plus grand nombre d’affaires à chaque session, et de limiter par voie de conséquence les délais » avant l’audience. Le terme « principalement » laisse perplexe puisqu’il semble que d’autres objectifs sont assignés à cette nouvelle juridiction, notamment financiers et de ressources humaines. En toile de fond, il apparait un objectif budgétaire à cette réforme du fait du coût des audiences criminelles des cours d’assises.

Une efficacité relative

Le rapport du comité de suivi sur cette nouvelle juridiction semble mitigé. Certes les dossiers sont jugés plus rapidement, les 387 affaires jugées « ont nécessité 863 jours d’audience (soit 2,23 jours par affaire) mais selon les éléments transmis à la mission chargée du bilan de l’expérimentation il aurait fallu 982 jours d’audience pour que les cours d’assises jugent ces dossiers, soit 12 % de plus ».

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Le taux d’acquittement est similaire à celui des cours d’assises, en revanche le taux d’appel est plus important. S’agissant des moyens employés pour cette justice criminelle « si les chiffres diffèrent parfois, le coût moyen d’une journée d’audience en cour criminelle départementale est estimé à 1 100 €, contre 2 060 € aux assises. La vraie difficulté est celle des personnels. La cour criminelle départementale est composée de cinq magistrats, dont au moins trois doivent être de carrière. Au total, les 387 affaires ont mobilisé 1 935 magistrats, dont 15 % étaient honoraires et 18 % étaient des magistrats à titre temporaire. Or la justice manque de moyens humains. »

Selon le comité d’évaluation et de suivi de la cour criminelle départementale, chargé de faire le bilan…

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Auteur: Thomas Hermand, Attaché d’enseignement (CUREJ, Université de Rouen), Doctorant (IRJI Tours), Université de Rouen Normandie