L’indicible de la perte d’un frère. C’est pourtant ce que les mots de Houda Gabsi parviennent à dire et à exprimer, comme dans un besoin intense de verbaliser l’incompréhensible, l’impensable, l’inimaginable, le tonnerre soudain et absurde d’un drame qui vient s’inscrire dans un continuum bien trop ancré dans le réel, celui de la perte tragique et évitable d’un être humain, homme, père, compagnon, frère, ami, lors de son interpellation par des agents de police. Mohamed Helmi Gabsi, 33 ans, trois enfants, est mort le soir du 8 avril 2020, à Béziers, victime d’un syndrome asphyxique dans un véhicule de la municipale. L’instruction suit toujours son cours, trois policiers sont mis en examen.
Le dossier, que Houda Gabsi en partie civile, a pu consulter, comporte des témoignages et des éléments accablant une intervention policière aux larges dérives et à la disproportion manifeste, accentuée au regard de la schizophrénie dont souffrait son frère, prédisposé à de fortes crises d’angoisses, parfois au beau milieu de la rue. Aussi la question justement posée d’un recours à la force plutôt qu’à la prévention et aux soins, face à un individu connu par les services de police pour sa condition psychique, et qui avait déjà fait auparavant les frais d’interpellations ou de conduites violentes par la même police municipale, le conduisant quelques mois avant sa mort à un arrêt cardio-respiratoire de trois minutes, et un genou ruiné. In extremis.
Lire aussi notre enquête – Violence policière et profils psychiatriques
Pourtant, c’est arrivé : « Ils ont fini par me le tuer ! » Comment expliquer l’inexplicable, admettre l’inadmissible ? Peut-être par la constatation des faits, des éléments du dossier rapportés par Houda, dans leur brutal reflet de tant d’autres de ces drames policiers qui secouent le monde, dans cette itération qui place des individus en situation de détresse psychologique face au rouleau compresseur, oppresseur, inhumain, de la violence policière comme réponse aveugle à la condition. L’inconscience et la conscience coupables d’êtres humains qui précipitent l’un de leurs semblables vers sa fin, et la froideur glaçante d’un système politique qui les accompagne. L’intolérable agression d’un journalisme de préfecture qui aura dès le lendemain réduit Mohamed en victime marginale, forcément coupable de sa propre mort. Tous les éléments réunis, de cette perpétuelle désinhibition d’une violence sociale systémique, sont venus une nouvelle…
La suite est à lire sur: www.lamuledupape.com
Auteur: Jude Mas