Kali Akuno : « Black Lives Matter a clairement transformé le récit, la manière dont nous parlons de la question du racisme dans ce pays. »

Le mouvement Black Lives Matter a démarré en 2013 et les mobilisations ne faiblissent pas. Qu’a-t-il d’ores et déjà permis d’obtenir ?

C’est ambivalent. Du côté positif, le mouvement a clairement transformé le récit, la manière dont nous parlons de la question du racisme dans ce pays. Black Lives Matter a créé de vraies dichotomies. Il y a désormais clairement celles et ceux qui regardent en face l’histoire des injustices dans ce pays, qui reconnaissent la réalité du racisme, et qui essayent de faire quelque chose pour y remédier d’un côté ; et de l’autre, celles et ceux qui sont dans le déni. Cette polarisation traverse toute la société, jusqu’au plus haut niveau de l’État.
Le revers de la médaille, c’est que ce basculement alimente les forces de la suprématie blanche, et que l’on voit désormais pleinement à quelle point elles sont ancrées dans ce pays. Mais on ne peut plus prétendre comprendre ce pays, Donald Trump, ainsi que le mouvement réactionnaire néofasciste qui le porte, sans tenir compte de l’importance du « mouvement pour les vies noires ». 

La réaction des suprémacistes blancs est-elle le signe qu’ils se sentent menacés et qu’ils doivent mettre toutes leurs forces dans la bataille ?

Malheureusement, je ne crois pas que la suprématie blanche est menacée. Ce qui change, c’est sa position dans la hiérarchie sociale. Ce qui est remis en cause actuellement, ce n’est pas la suprématie blanche en tant que telle. C’est sa position centrale dans le fonctionnement du capitalisme aux États-Unis. Nous avons très bien vu, au cours des dernières années, comment le capitalisme est parvenu à fonctionner sans accorder de privilèges aux blancs. Ce qui reste, ce sont donc ces gens dont l’identité s’est fondée depuis 500 ans autour de la blanchité, et qui se sentent aujourd’hui menacés, qui craignent de perdre ce qu’ils estiment être leur place dans l’ordre social…

Auteur: Attac France, Nicolas Haeringer
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