Kinji Imanishi, penseur méconnu de l'interconnexion du vivant

L’Occident a vidé le monde de ses présences, pas seulement avec son modèle économique mais aussi avec ses mots et ses concepts. Sa vision mécanique a appauvri le réel. Ses dualismes opposant nature et culture ont légitimé la destruction du vivant. Et alors que s’est achevée la COP15, force est de constater que nous traînons un boulet conceptuel, une approche biaisée, héritière de la pensée des Modernes.

On parle abstraitement de la « biodiversité » comme d’un process à gérer. On évoque une nature extérieure à nous. On s’érige en maître du vivant. Mais le sol se dérobe sous nos pieds et nos conceptions correspondent de moins en moins à la réalité de la vie sur Terre, à son foisonnement, à son interrelation.

Dans cette période trouble, la redécouverte récente du penseur japonais Kinji Imanishi (1902-1992) peut nous apporter des clés. Méconnu en France, ce grand naturaliste, primatologue et entomologiste est un pionnier mondial de l’écologie. Sa philosophie a établi une nouvelle manière d’appréhender notre relation au vivant dès les années 1940, en porte-à-faux complet avec certaines approches occidentales et néodarwinistes.

Une éthique du soin et de l’attention

Contre une vision réductrice de l’évolution, réglée uniquement par la concurrence, les mutations génétiques et la sélection naturelle, Imanishi défend une nature source d’harmonie et de coopération. Contre un homme monade, déconnecté du monde, seul à avoir une âme, il prône l’interconnexion entre tous les êtres vivants et leur environnement. Les espèces s’emboîtent dans un grand ensemble organique, une même famille « tous liés les uns aux autres, de près ou de loin ».

Imanishi en tire une éthique du soin et de l’attention, près de 70 ans avant l’apparition des humanités écologiques sur notre continent, en France ou en Europe, avec Philippe Descola, Baptiste Morizot ou Vinciane Despret.

« Un génie précurseur de la philosophie du vivant »

« C’est un génie précurseur de la philosophie du vivant. L’œuvre d’Imanishi est aussi fondatrice pour l’après modernité que le discours de la méthode de Descartes pour les Modernes », s’enthousiasme son éditeur Baptiste Lanaspèze qui a publié son premier livre, Le monde des êtres vivants, en 2011.

À l’époque, Imanishi était largement ignoré de ce côté-ci du globe. Le primatologue Frans de Waal y voit les relents d’« une attitude coloniale ». « Les pays occidentaux sont incapables d’imaginer qu’un cadre méthodologique dans les sciences modernes puisse venir d’un autre continent », dit-il.

Pourtant, Imanishi est un grand encyclopédiste. En avance sur son temps. « Il a anticipé l’hypothèse Gaïa

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Auteur: Gaspard d’Allens Reporterre