Kofi Yamgnane : « La lutte contre les discriminations s’intensifie… mais l’adversaire est coriace ! »

Figure de la vie politique des années 1980 à 2000, député-maire breton et ancien secrétaire d’État à l’intégration (1991-1993), Kofi Yamgnane évoque, dans un recueil de souvenirs publié le mois dernier, son destin d’immigré togolais en France. Ses Mémoires d’outre-haine (Ed. Locus Solus) livrent le récit d’une ascension hors du commun mais surtout de la confrontation quotidienne avec ce que les hommes peuvent révéler de pire : le racisme, l’exclusion, la violence. Aujourd’hui retraité, Kofi Yamgnane a accepté de répondre aux questions de Voix de l’Hexagone.

Propos recueillis par Pierre-Henri Paulet


Voix de l’Hexagone : Né en 1945 au Togo, vous avez connu concrètement la colonisation française, dont vous avez conservé les séquelles des brimades jusque dans votre chair. Comment le jeune Africain que vous étiez, conscient de la violence inhérente au processus colonisateur, a-t-il appris à aimer sincèrement la France après son arrivée en Bretagne en 1964 ?

Kofi Yamgnane : Il faut bien dire que la colonisation n’était pas une séance de ballets roses ! Le colon était le maître absolu dans le lieu où il choisissait de vivre. Toute la population avait obligation de se mettre à son service sous peine de graves punitions, pouvant aller des coups de verge aux mutilations et même jusqu’à la mort. Le colon nous expliquait que chez  lui, en France, c’était la liberté totale pour tous les citoyens, par ailleurs tous égaux et fraternels. Mais pour autant, il interdisait l’accès à ses propres valeurs à l’autochtone qu’il avait baptisé « indigène » et qu’il considérait comme un non-humain. Il vivait quotidiennement dans ces contradictions mais ne se jugeait ni responsable de la situation, ni coupable des violences qu’il avait instituées et qu’il exerçait sans état d’âme. Sa mission n’était-elle pas de « civiliser » ces sauvages?

J’ai bien connu cette époque. Je l’ai vécue dans mon cœur et dans mon corps.

Arrivé en France, j’ai pu constater en vraie grandeur la liberté dans laquelle vivaient les Français : par exemple, je pouvais aller dans n’importe quel kiosque à journaux pour acheter et lire n’importe quelle revue ; je pouvais marcher dans la rue sans être arrêté par les gendarmes, juste pour m’insulter ou me taper dessus ou bien m’embarquer en prison sans aucun jugement…

J’ai commencé donc à me saouler de lectures de toutes sortes : une vraie révolution dans ma petite tête de colonisé ! Alors…

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Auteur: Pierre-Henri Paulet