Troisième et dernière partie de notre entretien – discussion avec François Bégaudeau autour de son dernier livre Notre joie. La première et la seconde partie sont déjà en ligne. Lors de la fin de notre discussion, le ton est parfois un peu monté et il semble qu’on soit tombé sur des points de divergence, notamment sur le rôle des « intellectuels » et de la pensée dans un processus politique révolutionnaire. Rassurez-vous, ça se finit bien.
Je vois tout à fait que c’est du sale boulot [ndlr : Bégaudeau venait de dire, à la fin de la partie précédente, qu’il nous laissait le chantier de trouver des slogans propulsif car lui ce n’était pas son rayon], c’est vachement de travail si tu veux faire les choses bien. C’est plus facile d’écrire un bouquin ! (rires) Ce n’est pas la même cible en fait. Car quelle est ta cible quand tu écris Notre joie ou Histoire de ta bêtise ? Tu t’adaptes à ton lectorat : tu cites la philosophe Simone Weil en écrivant Simone, sans dire explicitement ce qu’elle pense, comme si tout le monde savait ce qu’elle pensait. C’est plus facile pour toi, tu es dans ton élément et tu t’adresses à des gens qui sont dans ton élément aussi. Quand on pense à des slogans, on s’adresse à beaucoup plus large.
Oui, ce n’est pas la même stratégie. J’ai une position très radicale sur les livres : ils servent d’abord à celui qui les écrit. Je ne me pose jamais la question de l’utilité d’un livre. Je me pose la question de son intérêt et de sa beauté. C’est un truc d’esthète, mais on ne se refait pas. Son intérêt, c’est sa justesse et sa pertinence. Sa beauté, c’est au niveau de la forme, du style. Ce qui me déclenche pour écrire un livre, c’est si je sens que j’ai quelque chose d’intéressant à dire et que par ailleurs, la composition peut être intéressante. Quand je suis dans le détail d’une page en revanche, j’essaie d’être le plus clair possible, de pas trop multiplier les références. Il y en a un peu plus que d’habitude dans Notre joie, peut-être un peu trop, je ne sais pas. Mon but est quand même de décoder.
Après, évidemment qu’un livre est segmentant, tu n’as pas tout le monde [qui lit], à un certain niveau de sophistication de la pensée tout le monde ne suivra pas. Je rencontre pas mal de gens qui disent : “Olala Lordon, c’est énervant, il est pas clair !” Je ne suis pas “Lordofan” tout le temps, mais je défends le fait qu’il y a certains problèmes qu’aborde Lordon qui sont des problèmes…
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Auteur: Rédaction Frustration Mag