La « business school » agricole de Xavier Niel dans la tourmente

Levis-Saint-Nom (Yvelines), reportage

« Qu’un milliardaire, ayant fait sa fortune sur le business de la frustration sexuelle et de la téléphonie, se lance dans l’enseignement de l’agriculture… je trouve ça extrêmement dangereux ! » Dans la matinée du 29 mars, brisant le calme paisible de la campagne, un autocar baptisé le « Bus de la colère » s’est arrêté le long d’un champ, à la sortie du village de Levis-Saint-Nom. À son bord et dans le convoi qu’il précédait, plus de soixante-dix syndicalistes aux drapeaux rouge, vert, blanc ou bleu. Rassemblés sous le collectif Enseignement agricole public (EAP), ils ont manifesté pendant deux heures devant la barrière marquant l’entrée du domaine de la Boissière, abritant l’école Hectar. Objectif : dénoncer cette école agricole aux airs de « start-up nation ».

Au printemps 2021, Xavier Niel, patron de Free, et Audrey Bourolleau, une proche du président de la République, annonçait non sans modestie l’ouverture prochaine du « plus grand campus agricole du monde ». Accélérateur de start-up et d’innovations, ferme pilote en agriculture régénératrice, espaces de coworking… Ce champ lexical de la « start-up nation », qui accompagnait la présentation de cette nouvelle école, avait déjà créé l’ire des profs de l’enseignement agricole public, comme le racontait alors Reporterre.

Devant les grilles de l’école Hectar, Thomas, enseignant forestier dans un lycée agricole en Corse. © Emmanuel Clévenot/Reporterre

Un an plus tard, le monde enseignant continue d’y voir un véritable danger : « Le directeur d’Hectar n’est autre que le cofondateur de Blablacar [Francis Nappez], autrement dit un agriculteur chevronné, ironise Dominique Blivet, un drapeau du syndicat Sud Rural Territoires à la main. Je l’ai entendu présenter sur BFM Business sa vision de l’agriculture de demain. Il s’agissait de vaches connectées, de drones et de robots, etc. »

Cette agriculture technologisée est présentée par ses promoteurs comme un remède à la vie éreintante des paysans. Aux yeux de Clémentine Mattéï, cosecrétaire générale du Snetap-FSU, elle pousse surtout à davantage produire, détruit des emplois et crée une dépendance à ceux qui possèdent le juteux marché de la robotique : « Ce sont certes de nouveaux outils, comme le furent avant eux les tracteurs, qui peuvent faciliter le travail des agriculteurs. Le souci, c’est qu’ils sont très chers et continueront donc à asservir les paysans. Ils creuseront un…

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Auteur: Emmanuel Clévenot (Reporterre) Reporterre