« La chasse choque parce que la mort est visible »

Après avoir étudié les peuples autochtones de Sibérie, l’anthropologue Charles Stépanoff est allé à la rencontre des chasseurs du Perche, autour de chez lui et au-delà. En comparant « le proche et le lointain », il permet de prendre un étonnant recul sur la vision de la chasse dans notre société moderne. Et, à travers elle, nous fait réfléchir sur notre rapport aux autres êtres vivants. La lecture de son ouvrage récemment paru, L’animal et la mort (La Découverte), pourrait presque vous donner envie de devenir à votre tour un « chasseur terrestre »… Entretien.




Reporterre — En quoi nos sociétés modernes ont-elles un rapport paradoxal au vivant ?

Charles Stépanoff — J’ai envisagé comment, dans notre société occidentale moderne, nous organisons notre rapport au vivant et à l’exercice de la violence. Celle-ci est inhérente au mode de subsistance humain, que ce soit sur les végétaux, les animaux, les écosystèmes.

Ce qui est paradoxal chez nous c’est que, d’un côté, on a démultiplié la violence. Nos modes de consommation sont la cause principale de la crise écologique. C’est une force de destruction telle qu’il n’en a jamais existé dans l’histoire de l’humanité. La violence appliquée aux animaux de rente dans l’élevage intensif est une négation de tout ce qu’il peut y avoir de relationnel, d’intelligent, dans l’animal non humain. Et de l’autre côté, c’est aussi notre société qui a inventé les formes de relation les plus attentionnées et protectrices avec le vivant. On crée des réserves naturelles protégées, on va même jusqu’à expulser les autochtones qui y vivent. L’animal de compagnie fait l’objet de tous les soins. On le nourrit, protège, soigne, castre. Cette tension est particulièrement nette entre ce que j’appelle l’animal-enfant, de compagnie, et de l’autre côté l’animal-matière de l’élevage intensif.



Ces deux façons d’avoir un rapport au vivant ne sont pas opposées, mais se renforcent l’une l’autre…

Ces deux pôles de rapport au vivant sont complémentaires. On ne pourrait avoir les animaux-enfants si on n’avait pas les animaux-matières pour les nourrir de croquettes. Historiquement, les premiers jardins à l’anglaise, qui sont une mise en scène de la nature qui n’est plus contrôlée par les hommes, sont voulus par les grands industriels. Les sidérurgistes créent des petits écrins de nature protégée tout en ravageant des régions entières de l’Angleterre pour faire marcher l’industrie.

Charles…

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Auteur: Marie Astier (Reporterre) Reporterre