La Chine en Bosnie-Herzégovine : une présence de plus en plus marquée dans un État fragilisé

La récente recrudescence des tensions dans plusieurs États des Balkans occidentaux, en particulier en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et au Monténégro, fait ressurgir le spectre d’une nouvelle guerre intercommunautaire dans la région.

Outre ces tensions, un nouvel acteur, en l’occurrence la Chine, s’immisce dans l’arrière-cour de l’Union européenne, et cette présence modifie sensiblement la configuration politique des Balkans occidentaux. Tentative de décryptage en trois questions, avec la Bosnie-Herzégovine comme cas d’étude.

Quels intérêts la Chine poursuit-elle en Bosnie-Herzégovine ?

De prime abord, la présence de la Chine dans ce pays de 3,5 millions d’habitants à la structure politique pour le moins atypique peut surprendre.

La Bosnie est devenue indépendance en 1992, à la suite de la dissolution de la Yougoslavie. À cette époque, les populations musulmanes, en grande majorité bosniaques, y subissent un nettoyage ethnique de grande ampleur et plus de 100 000 personnes, militaires et civils confondus, perdent la vie. En 1995, la communauté internationale parvient à finaliser les Accords de Dayton, mettant ainsi fin à trois ans de guerre intercommunautaire sur le territoire concerné.

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Composée de trois groupes ethniques principaux (48 % de Bosniaques, 14 % de Croates et 37 % de Serbes), la Bosnie-Herzégovine se voit alors divisée, d’un point de vue politique, en deux entités fédérées de taille semblable : la Fédération croato-bosniaque et la Republika Srpska. Peu d’interactions subsistent entre les deux entités et les projets communs sont rares dans un pays au pouvoir central faible et, pour l’essentiel, délégué aux entités fédérées. Seul un Haut Représentant de la communauté internationale, rôle endossé actuellement par l’allemand Christian Schmidt, veille à l’application des accords conclus entre elles.

Tout au long des négociations qui ont mené à la création de l’État de Bosnie-Herzégovine, la Chine est restée en retrait, adoptant une position de « profil bas » sur la scène internationale à la suite de la violente répression des manifestations de la place Tian’anmen. Ce n’est d’ailleurs qu’en 2012, avec le lancement officiel du Format 16+1 – une initiative du ministère chinois des Affaires étrangères visant à promouvoir les relations commerciales et d’investissement entre la Chine et 16 États d’Europe centrale et orientale – que la Chine témoigne pour la première fois de son intérêt pour la Bosnie-Herzégovine.

Deux explications majeures à cet intérêt soudain et aujourd’hui grandissant peuvent être avancées : d’une part, la Bosnie-Herzégovine s’inscrit dans l’immense projet des Nouvelles Routes de la Soie destinées à relier l’Asie aux continents africain et européen ; d’autre part, elle se situe aux portes du marché commun européen et est candidate à l’Union européenne, même si son adhésion n’est pas une perspective discernable à court ou à moyen terme.



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La Chine reçoit-elle le soutien des autorités locales ?

Étant donné que la Bosnie-Herzégovine demeure l’un des pays les plus pauvres d’Europe, tous les investissements, y compris en provenance de la Chine, y sont les bienvenus.

À ce jour, la Republika Srpska semble en être la principale région récipiendaire, la Fédération croato-bosniaque se retrouvant reléguée au second plan par les autorités chinoises. Plusieurs exemples l’illustrent. L’entreprise publique chinoise « Chine State Construction Engineering Corporation » a récemment obtenu un marché organisé par « Autoputevi Republike Srpske », la société routière contrôlée par les autorités locales de l’entité. Il s’agit d’un contrat de plus de 335 millions d’euros qui devrait, d’ici à 2030, déboucher sur la mise en service d’un segment autoroutier de 33 km reliant le territoire de la RS à celui de la Serbie et symboliquement appelé « l’autoroute du 9 janvier » (date de la création de la Republika Srpska…

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Auteur: Robert Dopchie, Sciences Politiques, Relations Internationales, Politique Européenne, Balkans Occidentaux, Université de Liège