La colère en marche arriere

John Everett Millais. — « Ophélie », 1851-1852.

Depuis (presque) ces deux dernières années, une bonne partie du théâtre français grondait. Dans cette période entravée par le Covid-19 et les diverses mesures mises en place, nombre d’artistes et d’observateurs déclaraient que le spectacle vivant ne serait plus jamais comme avant. Les salles ont rouvert et, hormis l’obligation du passe sanitaire, rien n’a changé. Tout ce petit monde a repris ses habitudes et ses hiérarchies. C’est comme avant, avec moins de public.

La rentrée, en effet, ne se passe pas de façon idéale. Dans le secteur du théâtre privé, au fonctionnement commercial, quelques gros succès, avec quelques stars affriolantes, cachent les débuts difficiles de beaucoup de nouvelles productions et même de reprises face à un public qui, de fidèle, est devenu hésitant. Dans le secteur public, où une certaine mystique de l’art est partagée entre les équipes et des spectateurs passionnés, le redémarrage est plus fort, mais n’échappe pas toujours à une réaction de lenteur, de réserve et d’observation prudente. Les théâtres sont rarement pleins (on parle d’un recul de 40 %). Les réservations sont en forte baisse et les responsables, nerveux, espèrent, chaque soir, l’impulsion de dernière minute…

Lire aussi Evelyne Pieiller, « Mais à quoi servent donc les artistes ? », Le Monde diplomatique, août 2020.

Il faudrait commencer à réparer un peu ou beaucoup le système. C’est ce que criaient les manifestants dans les rues de Paris, en décembre 2020. Quelques-uns revendiquaient un changement d’esprit révolutionnaire et englobaient dans leur protestation d’autres professions malmenées par la crise, les sans-papiers et les pauvres. En avril dernier, les occupations se multipliaient : l’Odéon, la Colline à Paris, une centaine de lieux en région, notamment le TNS de Strasbourg et la Criée de Marseille, qui a connu une paralysie particulièrement longue (trois mois). Que réclamaient les protestataire ? Pour l’essentiel, une deuxième « année blanche » — c’est-à-dire la prolongation des indemnités accordées aux intermittents, dont la définition s’étendait souvent à d’autres professions, comme les guides-conférenciers — : ils ne l’ont obtenue que très partiellement, et uniquement pour les travailleurs du spectacle. Ils insistaient vigoureusement sur le retrait du projet d’assurance-chômage : il est entré en vigueur le 1er octobre (sous…

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Auteur: Gilles Costaz