“La colère ne peut pas caractériser un camp, elle n’est une garantie de rien politiquement. Il faut donc l’hybrider à autre chose.“ Conversation avec François Bégaudeau, première partie

On peut connaître François Bégaudeau comme romancier, critique de cinéma ou bien comme acteur dans le film Entre les murs, Palme d’Or à Cannes en 2008 et adapté de son ouvrage du même titre basé sur ses années dans l’enseignement. Mais c’est avec Histoire de ta bêtise sorti en 2019, ouvrage à la fois drôle et jouissif qui met en lumière l’hypocrisie et l’absurdité de la bourgeoisie culturelle, que nous avons découvert chez cet écrivain des affinités importantes. François Bégaudeau s’adonne ici à un tout autre genre : l’essai politique. Plume acerbe, ton caustique, il place le curseur sur ce que nous appelons chez Frustration la branche “de gauche” de la catégorie sociale plus générale de “sous-bourgeoisie”, courroie de transmission entre la classe laborieuse et la bourgeoisie, en plus de revendiquer politiquement l’utilisation du concept de bourgeoisie en plein mouvement social et insurrectionnel des Gilets jaunes. Bref, les mêmes obsessions semblent bel et bien nous animer et une rencontre s’imposait, naturellement.

On a ainsi saisi l’occasion lors de la sortie de son nouvel essai en septembre dernier, Notre joie (Fayard), où il met en scène sa rencontre avec une bande de jeunes fachos de Lyon rencontrés dans un bar. Fascinés par son précédent bouquin, ils partent du principe qu’ils auraient donc un ennemi commun, le “bobo de gauche morale des centre-villes”. Il analyse leur langage, leurs idées, leur fonctionnement rhétorique tout pété et en quoi, au fond, il n’ont quasiment aucun point commun politique. Il en profite également pour évoquer la gauche radicale et ses contradictions, les Gilets jaunes, la question des affects en politique (convoquer la “colère” ou la “joie” ?), l’antiracisme, notre rapport à la justice, ses déceptions et ses espoirs, les reproches que l’on peut lui faire ici ou là…

Alors, quoi de mieux que de rejouer la scène de son livre, mais cette fois-ci avec toute l’équipe gauchiste de Frustration ? On lui a donc donné rendez-vous dans un bar du Xe arrondissement de Paris composé de peintures militantes feutrées et ternes, de lumières tamisées qui renforcent un ton général un peu austère… et nous, dans un coin situé au fond de la salle, accompagnés de nos pintes de bières. Le bar, vide, nous donne l’impression d’organiser une réunion clandestine entre dissidents politiques qui complotent entre eux. « Ça fait bien réunion de gauchistes !”, s’exclame François Bégaudeau à son arrivée. On a discuté longuement,…

La suite est à lire sur: www.frustrationmagazine.fr
Auteur: Rédaction Frustration Mag