La comptabilité entame sa mue socio-environnementale

Fin novembre 2022, le Conseil de l’Union européenne (UE) a entériné la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) adoptée précédemment par le parlement européen. Dorénavant, la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises (RSE) va se traduire par une comptabilité normée reposant sur une mesure sérieuse de la performance sur d’autres dimensions que financières.

En retraçant l’impact environnemental dans les comptes d’une entreprise, on s’engage dans une démarche de progrès visant à considérer la nature non pas comme un actif à exploiter mais comme une ressource à préserver. Cette prise de conscience se traduit en comptabilité par la prise en compte d’une matérialité« socio-environnementale »). Or, dans sa forme actuelle, le cadre comptable accorde jusqu’à présent peu de place à l’écologie, les règles comptables restant ancrées dans une vision purement utilitariste des ressources naturelles.

La CSRD vise à combler les lacunes de la législation existante en matière de publication d’informations non financières (NFRD, Non Financial Reporting Disclosure). Les informations sur l’impact environnemental et sociétal à publier dans le rapport de gestion seront plus détaillées.

Treize thématiques, quatre thèmes

Les informations fournies par les entreprises seront en outre certifiées et auditées par des organismes tiers indépendants. Grâce à la CSRD, les informations financières et celles relatives à la durabilité seront mises sur un pied d’égalité, ce qui permettra aux investisseurs de disposer de données fiables et comparables. Les informations sur la durabilité devront également être consultables et accessibles en ligne.

Le texte européen trouve son origine dans les travaux de l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group), une institution indépendante créée en 2001 afin de conseiller sur le plan technique la Commission européenne sur l’adoption de nouvelles normes comptables. Dans le cadre proposé, les impacts des activités de l’entreprise sur son environnement (économique, social, naturel) sont pris en compte.

L’EFRAG a publié une première série de treize exposés-sondage (Exposure Drafts) qui ont débouché sur des normes européennes de rapport sur le développement durable (ESRS, European Sustainability Reporting Standards). Ces normes seront obligatoirement applicables au sein de l’Union européenne pour toutes les entreprises concernées. Elles posent les bases d’un langage standardisé commun pour traiter des questions de durabilité à travers l’Europe.

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Les exposés-sondage de l’EFRAG regroupent treize thématiques autour de quatre thèmes : soit transverses (principes généraux, stratégie, gouvernance, évaluation de la matérialité), soit traitant de l’environnement (changement climatique, pollution, eau et ressources marines, biodiversité et écosystèmes, utilisation des ressources et économie circulaire), du social (main-d’œuvre, communautés touchées, consommateurs et utilisateurs finaux), de la gouvernance (gestion des risques et contrôle interne, conduite des affaires).

Par son caractère structurant du changement, la comptabilité socio-environnementale (CSE par la suite) peut-être un levier d’action efficace. Depuis son origine, la comptabilité sert à retracer les activités économiques et financières d’une organisation. Comme l’a fait remarquer lors d’une conférence Patrick de Cambourg (président de l’ANC – Autorité des normes comptables) :

« On sort d’une période friedmannienne où seule la performance financière comptait. Aujourd’hui, on cherche une méthodologie pour exprimer le fait que la création de richesse de l’entreprise est autrement plus vaste et complexe. Un changement très important est en marche pour donner de l’entreprise une image complète, et non plus partielle. »

Les récents rapports du Stockholm Resilience Center sur l’atteinte des limites planétaire et du World inequality lab sur les inégalités mondiales soulignent aujourd’hui l’urgence à adopter un comportement socialement responsable et respectueux de l’environnement au détriment de modèles économiques uniquement fondés sur une performance…

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Auteur: Stéphane Ouvrard, Professeur associé en Finance/Comptabilité, Kedge Business School