La crise des universités

Lü Ji. — Canards mandarins et roses de Chine, fin du XVe siècle.

«Université : en crise », quand le verdict dure aussi longtemps, on a des raisons d’être circonspect. S’il s’agit de dire qu’elle est touchée par des dysfonctionnements, des déséquilibres ou seulement visée par des critiques, l’université est assurément en crise. Nous parlons ici de l’institution moderne qui au cours du XIXe siècle, dans toute l’Europe, a succédé aux universités médiévales en tournant le dos à la formation des personnels ecclésiastiques pour former les professions intellectuelles et les personnels d’État.

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Allan Popelard, « Les enseignants entre combativité, apathie et sirènes managériales », Le Monde diplomatique, mai 2021.

Le mot « crise » vient de la médecine grecque antique et exprime mal la longue et profonde transformation de l’université, comme peu d’institutions en connaissent. Les événements de Mai 1968 ont été moins la cause qu’un révélateur de ses transformations — lesquelles dépassaient largement un épisode politique confus. L’université mandarinale héritée du XIXe siècle a été contestée, selon le mot en vogue à l’époque, dans un mélange de critique du pouvoir universitaire alors dévolu aux professeurs et d’une conception autoritaire de l’enseignement inscrite dans une pédagogie centrée sur les cours magistraux. La contestation du régime gaulliste, lui aussi perçu comme autoritaire, a rejoint en France une contestation plus générale de l’ordre bourgeois et capitaliste. Une nouvelle fois, l’espérance révolutionnaire a animé les esprits. Une force de ce mouvement fut la jonction des étudiants de la génération du baby-boom d’un côté, et des assistants et maîtres assistants bloqués dans les carrières par un État économe et des professeurs intéressés à préserver leur rareté, de l’autre.

Mai 68 a brisé le mandarinat en l’espace de quelques années par le délitement de la relation autoritaire entre universitaires — un mandarin était un patron dont dépendaient les faveurs et les promotions — et entre universitaires et étudiants — les mandarins tenant à la fois du patron, du père et de l’officier. Un signe visible en fut l’abandon des robes professorales dans les cours magistraux et l’effacement des appariteurs, même si des facultés comme celles de droit n’abandonnèrent les rituels qu’avec lenteur. Le nœud papillon fut sans doute le dernier…

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Auteur: Alain Garrigou