La critique des armes – Une histoire d'objets révolutionnaires sous la IIIe République

C’est une somme, un pavé d’érudition sur un objet qui n’a jamais laissé personne indifférent : les armes, vues en tant qu’objets révolutionnaires.

Leur usage révolutionnaire « est chargé de sens politique très précis : le refus de la délégation de souveraineté, du monopole de la violence étatique, de l’autorité et du militarisme ; l’exercice de la délibération citoyenne, de l’action collective, de l’autonomie, de la justice populaire » (p. 17).

Pourtant, dès le début, un constat de Engels du 3 novembre 1892 nous plonge en pleine modernité : « Vous aurez vu les rapports des journaux sur l’effet terrible, au Dahomey, des nouveaux projectiles. Un jeune médecin viennois qui vient d’arriver a vu les blessures faites par les projectiles autrichiens à la grève de Nürmitz, il nous dit la même chose. […] L’ère des barricades et batailles de rue est passée à jamais : si la troupe se bat, la résistance devient folie. Donc obligation de trouver une nouvelle tactique révolutionnaire. J’ai ruminé cela depuis quelque temps, je ne suis pas encore fixé » (p. 63).

Si les armes ont longtemps accompagné les révolutionnaires, c’est que le rapport même à la révolution le permettait. En attestent des débats au sein du mouvement ouvrier, comme en 1882 au congrès du Parti ouvrier où Jules Guesde entend se démarquer de la proposition de Fernand Pelloutier et Aristide Briand, « De la révolution par la grève générale ». Cette nouvelle voie révolutionnaire, mettant à distance toute forme de violence, connaît un succès immédiat. Alors Guesde rétorque : « C’est violemment, par la force que nous ferons la révolution » (p. 69).

« Pressé par certains de ses amis d’affirmer le renoncement à toute violence, [Jaurès] affirme en 1914 qu’un ’peuple opprimé a le droit d’employer tous les moyens, sans exclure aucun moyen violent’. Ce qui pose problème avec le ’militarisme révolutionnaire’ est moins l’espoir de la prise d’armes que le fait de renier le citoyen-combattant, exerçant directement sa souveraineté y compris au feu, au profit d’un inattendu soldat révolutionnaire obéissant » (p. 91-92).

Les armes s’appréhendent aussi du point de vue sensuel. « […] Ce n’est qu’en voyant tomber leurs camarades que la foule se mit en déroute », peut-on lire dans les rapports après le massacre de Fourmies, le 1er mai 1891. Confrontés à la nouvelle poudre sans fumée du fusil Lebel, les manifestant.e.s ont cru qu’ils tiraient à blanc. Ce…

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Auteur: dev