La cuillère, le champagne et les antivax

C’est donc (au moins) la cinquième vague de désinformation autour de la pandémie que nous traversons. Et si les processus de désinformation sont connus, leur récurrence et leur audience ne cesse de nous interroger collectivement à la fois sur nos crédulités, nos croyances, et peurs et nos angoisses, nos responsabilités individuelles et collectives, mais aussi, bien sûr, sur les responsabilités d’un écosystème informationnel (de CNews à Facebook) souvent en totale perdition.

Et puis comme le premier de l’an approche, et avec lui les flots de champagne afférents, j’ai soudainement été saisi. Par une image. Une chose vue. Sur Twitter. L’image d’une bouteille de champagne ouverte, avec une cuillère dans le goulot, et cette légende : « Et ça vous étonne qu’il y ait autant d’Antivax dans ce pays ?« 

Une saillie comme on en voit tant sur Twitter, une moquerie, une dérision, et l’efficacité de ce raccourci texte-image : l’anacoluthe qui te percute.

Je me suis alors posé plusieurs questions. La question de savoir si j’avais moi-même déjà mis une cuillère dans une bouteille de champagne au motif d’éviter que les bulles ne s’en aillent. La réponse fut « oui ».

La question de savoir si j’avais déjà dit à des gens de mettre une cuillère dans une bouteille de champagne. « Oui » également. Je l’avais déjà conseillé, vaguement, mollement, parfois en boutade, souvent après plusieurs bouteilles de champagne et d’autres breuvages divers, laissant planer bien davantage que l’ombre d’un doute sur la sobriété cartésienne de cette recommandation, mais « oui », je l’avais déjà conseillé.

La question de savoir si aujourd’hui je pourrai encore le conseiller ou y avoir moi-même recours. Là encore la réponse fut un « oui » global (même si l’âge aidant je suis désormais doté de tout un tas de trucs permettant de reboucher n’importe quelle bouteille ouverte mais si j’étais dépourvu desdits trucs, l’honnêteté fait que, oui, je pourrai encore tenter le coup de la cuillère).

La question de savoir si je croyais réellement que cela aurait un effet sur les bulles. Et là la réponse fut plus compliquée. Cette idée du bouchon dans la bouteille de champagne m’ayant été transmise et « habituée » tant par mon cercle familial (grands-parents et parents) que par mon cercle amical (où certains le pratiquaient, probablement par pur mimétisme, probablement d’un héritage là aussi familial), j’avais moi-même reproduit cet habitus sans pour autant le questionner, sans pour autant chercher à en vérifier la véracité. Parce que…

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Auteur: olivierertzscheid Olivier Ertzscheid