La défense de Taïwan à l’épreuve de la montée en puissance chinoise

2023 sera-t-elle l’année d’une grande déflagration dans le détroit de Taïwan ?

En tout cas, l’illusion d’un règlement de la question sino-taïwanaise sur la base de l’interdépendance économique a vécu, sous le triple effet d’un réarmement chinois tourné avant tout contre Taipei, d’une opposition sino-américaine croissante et de la progression du sentiment national taïwanais.

L’actuelle hausse des tensions incite à s’interroger sur les moyens offensifs dont dispose l’armée chinoise, ainsi que sur la capacité de l’île à renforcer sa défense et à se rapprocher de ses alliés.

Le renforcement de l’armée chinoise

Taïwan est la clé de l’endiguement naval de la Chine. Prendre l’île permettrait à Pékin de sécuriser ses côtes, de briser son encerclement maritime et de profiter des avantages géographiques de Taïwan face à ses adversaires américains et japonais. En effet, les côtes de l’île donnent directement sur les eaux profondes du Pacifique ; les sous-marins chinois pourraient y appareiller en toute discrétion.

Forte de sa croissance économique, la Chine continue de préparer l’Armée populaire de Libération (APL) à cette mission. Alors que Taipei a annoncé en août 2022 une forte hausse de son budget de défense, celui de Pékin, le deuxième au monde après celui des États-Unis, demeure vingt fois supérieur.

L’APL a lancé entre 2015 et 2019 l’équivalent de 600 000 tonnes en navires de guerre, soit 50 % de plus que Washington sur la même période. Pékin ambitionne, au cours de la décennie 2020, de mettre en service plusieurs groupes aéronavals, alors que l’US Navy prévoit de mettre à la retraite un certain nombre d’unités.



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La Chine construit également des bâtiments d’assaut amphibies, adapte ses ferries au transport de blindés et aux missions de débarquement, et agrandit sa flotte de transport aérien ainsi que ses bases au Fujian (la province côtière située en face de Taïwan).

Taïwan est une forteresse naturelle. Mais Pékin veut neutraliser cet avantage par la croissance quantitative et qualitative de l’arsenal de sa Force des fusées (PLARF), également susceptible de frapper les positions américaines et japonaises situées à proximité de l’île (Guam et Okinawa).

L’APL s’entraîne au combat interarmes au cours de manœuvres amphibies et aériennes. Elle perfectionne ses capacités de guerre électronique et cyber, utiles pour cibler les infrastructures critiques et perturber la chaîne de commandement adverse.

Pékin tente aussi de créer les conditions pour un futur combat naval dans la profondeur des océans Indien et Pacifique afin d’y contrecarrer tout soutien américain, couper la retraite aux défenseurs taïwanais et contrôler les lignes de communication.

En tout, le renforcement des capacités de l’APL érode les avantages défensifs de Taïwan et constitue une menace de plus en plus crédible pour l’aéronavale américaine.

La défense taïwanaise en débats

Pour autant, une invasion de Taïwan resterait extrêmement difficile. Pour réussir, l’APL devrait acquérir la supériorité absolue dans les mers et cieux du détroit, tout en maintenant en respect la menace américaine au large.

Taïwan, peuplée de quelque 23 millions d’habitants, peut compter sur 150 000 soldats, une trentaine de larges unités navales (frégates, destroyers…) et 400 avions de chasse. Mais le déséquilibre avec les forces chinoises grandit.

La posture de défense taïwanaise reste largement conventionnelle, avec un large panel de missions : disputer à l’APL la supériorité sur les eaux et les cieux du détroit, contrôler les lignes de communication maritime et casser un potentiel blocus.

Ce choix est reflété dans les équipements dont Taïwan a récemment passé commande ou développe : nouveaux F-16, sous-marins, chars de bataille Abrams… Mais de nombreux analystes considèrent qu’outre leur coût très important, ces armements aux contraintes logistiques élevées seront déployés à partir de bases vulnérables, et pourraient être facilement neutralisés dès le début d’un conflit.

Taïwan est donc le théâtre d’un débat entre les partisans de la…

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Auteur: Hugo Tierny, Doctorant en histoire militaire et en relations internationales à l’École Pratique des Hautes Etudes (EPHE), Institut catholique de Paris (ICP)