La dépolitisation du monde

LM : Peux-tu commencer par te présenter et situer un peu le cadre et le contexte de ton travail ? D’où vient l’idée de travailler sur les anges et la hiérarchie ?Ghislain Casas : Le livre correspond à une partie de la thèse de doctorat que j’ai soutenue il y a quelques années. Il s’agit donc d’un travail universitaire, au moins dans sa forme. Pourquoi le sujet des anges et de la hiérarchie ? Il y a une raison personnelle et un peu anecdotique, qui est que j’ai eu à la fois envie et besoin, au cours de mes études, de faire un grand détour par la théologie pour parvenir à reposer ou reproblématiser certaines questions philosophiques. Mon parcours m’a conduit à travailler sur la mystique et l’angélologie chrétiennes et, alors que je préparais un mémoire, j’ai suivi un séminaire de Giorgio Agamben qui faisait la généalogie de la gouvernementalité moderne à partir des mêmes corpus – dont est sorti Le règne et la gloire. C’est un livre foisonnant, dans lequel il apparaît notamment que l’angélologie médiévale est le creuset d’une théorie du pouvoir hiérarchique. Peu de gens se sont intéressés à cette question, à part quelques spécialistes. Agamben l’a mise au cœur de la philosophie politique. Ça m’a évidemment donné envie de continuer ! J’ai tiré ce fil et j’en suis arrivé à mon sujet de thèse sur la dépolitisation du monde – et j’ai eu la chance de rencontrer des gens très bien pour diriger ce travail.

Explique nous un peu ton titre. L’enjeu général du livre est de donner une explication nouvelle ou plus approfondie à la naissance de la modernité et notamment à la scission entre la Nature et l’État dont parle Foucault dans un cours, peux-tu expliquer en quoi ce moment fait encore problème aujourd’hui ? Pourquoi faut-il revenir encore sur cette naissance de la modernité dont on a tant parlé ?Le titre est la paraphrase d’une formule employée par Foucault. Dans le cours de 1977-1978 sur la naissance de la gouvernementalité, il parle de « dégouvernementalisation du cosmos ». C’est ainsi qu’il qualifie la rupture du continuum cosmologique qui va de Dieu à l’humanité et qui inscrit l’activité politique, humaine, de gouverner dans la continuité du gouvernement divin du monde. Il soutient qu’entre le XVIe et le XVIIe siècles, ce grand continuum s’est défait et qu’il en est résulté les deux traits saillants de la modernité : la nature d’une part et l’État de l’autre. Foucault dit très explicitement que cette double…

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Auteur: lundimatin