La désertion, germe d'une contre-société

Vous lisez le second volet de notre enquête « La grande démission ». Le premier volet se trouve ici et le troisième volet sera publié demain.


Un vent de panique gagne les classes dominantes. Face à la multiplication des appels à déserter, les défenseurs de l’ordre établi montrent des signes de fébrilité. Quelques jours à peine après la déclaration des jeunes d’AgroParisTech à ne « pas perpétuer le système » et à « refuser les jobs destructeurs », on a assisté à un déferlement de critiques et d’insultes pour blâmer leur « lâcheté » et leurs inconséquences. Une campagne de dénigrement a été menée par les milieux économiques et la presse de droite.

Pour eux, déserter serait synonyme de mise en retrait, d’abandon, de passivité. Ce serait un « aveu d’échec », « une forme de renoncement ». « Au lieu d’être dans l’action, ces étudiants sont dans le repli », déplore ainsi leur directeur d’école dans Les Échos. « En désertant, votre impact sera faible », prétend le président des chambres d’agriculture. Certains éditorialistes sont même allés jusqu’à rendre cette joyeuse bande responsable de la faim dans le monde.

Désenchantement radical

L’acceptabilité sociale sur laquelle repose le système économique s’effrite. Malgré ses promesses de renouvellement, avec l’utopie cybernétique ou le fantasme de la Silicon Valley, le capitalisme vit aujourd’hui « une phase de désenchantement radicale ». « Les gens n’y trouvent plus de sens et ne s’y reconnaissent plus. Ce n’est pas encore complètement une révolte mais c’est une désaffiliation profonde », estime la journaliste et autrice Celia Izoard.

La désertion est une affaire ancienne, à laquelle le système en place a été obligé de répondre. Dans De l’esclavage au salariat, le chercheur Yann Moulier Boutang montre que l’un des moteurs principaux de l’histoire du capitalisme est la fixation d’une main-d’œuvre constamment fugitive : « La capture sans cesse à reprendre du paysan sans terre, du bohémien nomade, de l’apprenti en fuite, du soldat déserteur, de l’esclave évadé, de l’incorrigible vagabond et de tous les réfractaires à la mise en discipline. »

Les étudiantes et étudiants d’AgroParisTech lors de leur appel à la désertion à leur remise de diplômes. © Des agros qui bifurquent / capture d’écran Youtube

Encore aujourd’hui, le travail est un outil de contrôle social et le capitalisme rêve de nous remettre au pas. Il tente de séduire…

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Auteur: Gaspard d’Allens Reporterre