La fin de la civilisation occidentale : pourquoi elle manque de résilience, et ce qui la remplacera — Michael HUDSON

Le plus grand défi auquel les sociétés ont été confrontées a toujours été de savoir comment mener le commerce et le crédit sans laisser les marchands et les créanciers s’enrichir en exploitant leurs clients et leurs débiteurs. Toute l’Antiquité a reconnu que la volonté d’acquérir de l’argent crée une dépendance et a tendance à être une forme d’exploitation et donc à être socialement nuisible. Les valeurs morales de la plupart des sociétés s’opposaient à l’égoïsme, surtout sous la forme de l’avarice et de l’addiction à la richesse, que les Grecs appelaient philarguria – amour de l’argent, silver-mania. Les personnes et les familles qui se livraient à une consommation ostentatoire avaient tendance à être ostracisées, car il était reconnu que la richesse était souvent obtenue aux dépens des autres, en particulier des faibles. Le concept grec d’hubris impliquait un comportement égoïste causant du tort aux autres. L’avarice et la cupidité devaient être punies par la déesse de la justice Némésis, qui avait de nombreux antécédents au Proche-Orient, comme Nanshe de Lagash à Sumer, protégeant le faible contre le puissant, le débiteur contre le créancier.

C’est cette protection que les souverains étaient censés assurer en servant les dieux. C’est pourquoi les souverains étaient dotés d’un pouvoir suffisant pour éviter que la population ne soit réduite à la dépendance de la dette et au clientélisme. Les chefs, les rois et les temples étaient chargés d’allouer des crédits et des terres de culture pour permettre aux petits exploitants de servir dans l’armée et de fournir une main-d’œuvre pour la corvée. Les souverains qui se comportaient de manière égoïste étaient susceptibles d’être destitués, ou leurs sujets pouvaient s’enfuir, ou soutenir des chefs rebelles ou des attaquants étrangers promettant d’annuler les dettes et de redistribuer les terres plus équitablement.

La fonction la plus fondamentale de la royauté proche-orientale était de proclamer « l’ordre économique », l’annulation des dettes misharum et andurarum (1), dont l’année jubilaire du judaïsme se fait l’écho. Il n’y avait pas de « démocratie » au sens où les citoyens élisaient leurs dirigeants et administrateurs, mais la « royauté divine » était tenue d’atteindre l’objectif économique implicite de la démocratie : protéger les faibles contre les puissants.

Le pouvoir royal s’appuyait sur des temples et des systèmes éthiques ou religieux. Les grandes…

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Auteur: Michael HUDSON Le grand soir