La fin du monde : Pandémie, politique, désertion

« Que faire ? Tout d’abord provoquer un formidable champ de bataille où les images, les corps, l’écriture, la voix, les vagissements, des rires terribles, notre misérable intelligence sont convoqués pour détruire la logique économique redoutable qui gouverne nos existences ; afin que tout cela ne soit pas au service de l’entreprise de ceux qui valorisent toute chose ; y compris la maladie et la mort. » (p. 50)

Cet essai de Pierandrea Amato et Luca Salza pourrait être lu dans le prolongement de leur effort pour faire vivre une pensée de la destitution au sein de la revue trans-européenne K. Dans ce livre, il est en effet question d’arpenter les voies qui se dessinent lorsqu’on met en œuvre une politique de la désertion. Le postulat de départ est donc celui-ci : un renversement dialectique symbolisé par la notion de résistance ne répond plus aux conditions actuelles de production du pouvoir. De ce point de vue, il ne faut pas se méprendre sur le titre. L’expression « la fin du monde » n’est pas un motif utilisé pour susciter une opposition frontale contre ceux qui seraient jugés responsables de cette fin. Ce n’est pas non plus un appel messianique à une reconstruction d’un monde nouveau sur de nouvelles bases, celles que proposeraient les forces résistantes. Il s’agit pour ces auteurs de « tenter d’en finir avec la fin et imaginer (…) un autre code (visuel) des relations » (p. 46). Cette proposition se reformule sous la forme d’un programme conforme aux objectifs de la revue K : « élaborer des théories et des pratiques de la catastrophe » (p. 47). La revue s’efforce d’inscrire ce programme dans un tracé généalogique des figures, gestes et pensées qui se sont placées au-delà du pouvoir, alors que cet essai relève davantage d’une forme d’expérimentation irruptive rendue nécessaire par la situation pandémique.

La référence à la pandémie apparaît explicitement dans la traduction française, alors qu’elle est absente de l’édition originale italienne (La fine del mondo. Visioni politiche e diserzione popolare, Il Glifo edizioni elettroniche). Il ne faudrait pas surinterpréter cette petite différence, mais on peut y voir l’indice de la difficulté dans laquelle se trouvent ceux qui veulent produire et partager une pensée politique dans le régime présentiste de l’actualité pandémique. Ce risque, celui de l’évanouissement dans le champ saturé du discours public sur la pandémie, Pierandrea Amato et Luca Salza en ont parfaitement…

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Auteur: lundimatin