La fin du monde

Ce mois d’octobre voit paraître aux éditions Hourra un recueil de poèmes intitulé La fin du monde, signé Elias Soma. Ce petit livre gris, compact, 48 pages, à la quatrième de couverture muette, qui s’ouvre sur Le Déluge de Poussin et finit avec un Effet du soir de Cézanne, tout de noir et de blanc, m’a touché d’une étrange manière. C’est cela que je voudrais retrouver dans les lignes qui suivent. Pas mon sentiment, mais le point de contact.

Parce qu’au contact de ce petit objet, on fait comme un voyage dans la profondeur. Si à l’endroit du titre sont placés les quatre mots la fin du monde, il me semble qu’ils sont là comme pour nous faire partir de l’endroit où on est, aussi superficielles que soient ses coordonnées. La poésie a cette grâce de nous situer, de nous prendre par main, de nous tutoyer. La fin du monde, nous y sommes. Et dès le second poème, s’amorce une descente dans l’épaisseur, dans une intensité qui périme le thème, trouble sa surface : « … et la fin du monde n’importait guère ». On n’ira pas ailleurs, on ira plus loin.

Les quatre sections muettes, sans titre, qui découpent le recueil, agissent comme quatre niveaux de décantation d’où le titre ressort métamorphosé, comme du papier photo révélé par des bains successifs. Quand on lève la tête, notre site historique n’a pas changé, sinon de quelques minutes, mais il n’est plus tout à fait le même. C’est ce parcours que je voudrais essayer de retracer, avec l’intuition que l’éclaircir peut œuvrer à le rendre plus contagieux.

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La fin du monde – ces quatre mots nous arrivent un peu comme à travers une anesthésie. C’est une expression pour laquelle le matraquage quotidien a écrasé nos seuils de sensibilité. On n’écoute pas, on y est pas. Point de départ. « Il fait tôt, et le mal se déguise en gris. »

A/ Dans la couleur

L’écriture n’est jamais description, c’est ce que je me suis dit très vite en lisant ces pages. Elle imprime en nous son économie de l’attention. L’événement le plus réel qui arrive d’abord à cette configuration neutralisée de fin d’un monde, c’est celui de la couleur. « Y a du jaune depuis ma fenêtre. » Déviation infime, clinamen – début d’un monde. Chaque poème se masse en un carré qui tient sur une page, et au fil des mots s’y aiguise notre sensibilité à des couleurs d’habitude imperceptibles. « T’es nue en rentrant dans le bleu. Presque invisible. » Cette invisibilité, ce n’est pas celle de couleurs…

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Auteur: lundimatin