« La France se réchauffe plus vite que la planète »

Christophe Cassou est directeur de recherche CNRS au Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique (Cerfacs), et membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).


Reporterre — Qu’ont appris de nouveau les climatologues depuis deux ans ?

Christophe Cassou — Parlons d’abord de l’évolution du climat que nous avons observé ces deux dernières années. 2020 a été une année record en matière de température globale, à égalité avec 2016. D’habitude, ces records sont associés à un phénomène naturel que l’on appelle El Niño, situé dans le Pacifique tropical et qui a des influences planétaires. Ce phénomène vient se superposer au réchauffement global lié aux activités humaines et c’est ce qui s’est toujours passé ces cinquante, voire soixante, dernières années.

En 2020, il n’y a pas eu d’événement El Niño, et pourtant le record de température globale a été égalé. Ce record s’explique par le fait qu’aujourd’hui, l’influence des activités humaines sur le climat est en train d’atteindre le même ordre de grandeur que ses fluctuations naturelles. Dans notre jargon scientifique, nous appelons ce moment de dépassement « l’émergence ». Dit autrement, nous commençons à vivre des situations qui n’ont jamais été expérimentées par les générations qui nous ont précédés : nous entrons en territoire inconnu.

Au-delà de la température globale, y a-t-il eu des phénomènes particuliers sur les deux dernières années ?

Oui, les « événements composites ». Ce sont des événements qui s’expliquent par la combinaison de différents facteurs météorologiques. Ils aboutissent ensemble à des impacts démultipliés et à des emballements. Nous en avons vécu deux : le premier en Australie, avec la combinaison de vagues de chaleur récurrentes, d’une sécheresse chronique et de vents violents, qui a généré des feux énormes et conduit à des impacts irréversibles. Le second en Sibérie, avec également des feux gigantesques qui s’expliquent par un été très chaud faisant suite à un hiver très peu enneigé, une sécheresse des sols record et une banquise dans l’océan Arctique au plus bas, le tout favorisé par un réchauffement qui est beaucoup plus fort dans les régions polaires.

Ces catastrophes sont des marqueurs du réchauffement et on connaît les processus qui contribuent à ces emballements que l’on appelle des « boucles de rétroaction ». En l’occurrence, la sécheresse renforce la…

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Auteur: Moran Kerinec Reporterre