« La fraternisation des forces de l'ordre avec les manifestants marque le passage d'une révolte à une révolution »

« La police avec nous ! », « Ne nous regardez pas, rejoignez-nous ! » Ces appels sont encore régulièrement clamés lors des manifestations qui rythment un mouvement social. On l’a encore observé au début du mouvement des Gilets jaunes ou pendant les marches pour le climat, malgré le durcissement des tactiques de maintien de l’ordre et ses conséquences en matière de blessés, d’arrestations ou de crainte de participer à des manifestations.

Policiers et gendarmes ne devraient-ils pas ressentir un minimum d’empathie, et se sentir également concernés, quand il s’agit de défendre l’intérêt général, des augmentations de salaires, des moyens pour l’hôpital ou une politique plus ambitieuse en matière de préservation du climat ? Les manifestants qui lancent ce slogan sont-ils simplement naïfs, ou cela relève-t-il d’une longue histoire de révoltes et d’insurrections, et d’espoir que les forces de l’ordre fraternisent avec celles et ceux contre lesquels elles ont été envoyées ? « Fraternisation » : ce mot semble désormais obsolète tant le fossé s’est creusé entre forces de l’ordre et les citoyens et citoyennes qui contestent les politiques actuelles.

Si aujourd’hui policiers et gendarmes ne semblent plus que le bras armé des gouvernements successifs de moins en moins enclins à écouter, à négocier et à rechercher des compromis, ce ne fut pas toujours le cas. Des fraternisations ont bien eu lieu à plusieurs reprises durant l’histoire de la France. Et elles ont souvent fait basculer le rapport de force avec le pouvoir en place. Entretien avec l’historienne Mathilde Larrère, spécialiste du 19e siècle.

basta! : Que signifie, pour des forces de l’ordre militaires ou policières, fraterniser avec des manifestants ou des émeutiers. Est-ce simplement désobéir à un ordre ?

Mathilde Larrère

Mathilde Larrère est historienne, spécialiste de l’histoire des révolutions françaises du 19e siècle et maître de conférences à l’université de Paris-Est Marne-la-Vallée. Son dernier ouvrage : Le Puy du Faux, enquête sur un parc qui déforme l’histoire (avec Pauline Ducret et Guillaume Lancereau), Les Arènes, 2022.

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Mathilde Larrère : Quand des membres des forces de l’ordre chargés de réprimer une contestation refusent de le faire, on peut considérer que c’est déjà une forme de fraternisation. On doit cependant différencier les fraternisations de « basse intensité », comme se mettre en arrêt maladie pour ne pas avoir à participer à…

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Auteur: Elsa Gambin, Ivan du Roy